Juin 2006

 

5° ANNEE  N°16

 

L'alphabet fada


La Nouvelle Revue Moderne a passé en mars le cap des quatre ans, ce qui n'est pas si mal quand le projet initial était d'abord de sauver la part du rêve de nos vies quotidiennes et de faire vivre un moteur de créativité. A ce jour, 20 numéros publiés (dont 5 hors-série), plus de 1000 pages et un site internet plutôt bien référencé… Même avec des moyens quasi inexistants, le projet d'une revue qui tisse un réseau entre ses auteurs et ses lecteurs rencontre un écho, des résonances, et est apprécié comme une forme d'alternative modeste mais nécessaire au matérialisme ambiant. Il est rassurant de constater que la littérature, la poésie et la création retrouvent leur place naturelle dès que des individus s'en emparent pour trouver par eux-mêmes un espace pour respirer, réfléchir, réagir, aimer et créer un monde qui leur convienne mieux que celui de la compétition mondialisée et généralisée.


Sous le prétexte de "l'alphabet fada", ce numéro s'en prend à l'un des ordres les mieux établis du monde, celui des lettres, des mots et des signes. J'ai saisi le titre du poème d'Ericle Mimosa pour proposer à quelques auteurs d'y agréger leurs propres fantaisies. C'est ainsi que j'ai obtenu "l'histoire d'O" d'Ariane Mizrahi, le "Fadabcd" de Jean L'Anselme, le "Sale caractère" de Gérard Farasse et la chronique de Marie Groëtte. Olivier Salon a accepté de me confier "Les stations du cri", initialement conçu pour le public oulipophile comme un message d'adieu au Forum des Images qui avait accueilli les lectures de l'Oulipo deux ans durant. A ces contributions, j'ai ajouté "Un vaincu", une curieuse nouvelle extraite des Mémoires d'un dada besogneux que Pierre Mille publia en 1920. On verra qu'il n'avait pas si mal saisi l'esprit du temps. "Voir est un acte ; l'œil voit comme la main prend", écrivait Paul Nougé, fondateur du surréalisme en Belgique. L'article que lui consacre Guy Ciancia, suivi de treize fragments de César Marinori, tente de nous restituer un peu de son regard. C'est aussi une invitation à changer d'optique, "pour y voir clair".

On trouvera enfin dans ce numéro des poèmes de Jean-Louis Rambour et d'Annie Wallois que je perçois comme des fragments d'univers, et que je vous invite simplement à découvrir. Pour finir, des notes de lecture de François Huglo et Jean-Paul Gavard-Perret, et pour saupoudrer le tout, quelques collages disséminés au fil des pages.

PHILIPPE LEMAIRE