Ce numéro de La
Nouvelle Revue Moderne
a le goût de lautomne. Il vient nous aider à tourner
les dernières pages de lannée 2004, dont certaines
furent assez noires. Jean-Michel Aubevert, dans un court
poème, évoque la chute des feuilles mortes. Lucien
Suel nous offre ses proverbes à la noix.
Il sera même question avec Alfonso Jimenez dun lapin
dans la Lune. Et pourquoi pas ? Comme le
note Ericle Mimosa dans
Premières
demeures, même si nous refusons généralement de
lavouer, nous travaillons tous plus ou moins dans
ladministration économique et sociale. Tâche ô combien
exaltante ! Élargir lhorizon, maintenir ouvertes
les portes qui permettent daccéder à limaginaire
et aux sentiers de la création est dabord une question
de survie. Parmi les auteurs de ce numéro, deux poètes qui
tentèrent laventure bien avant nous. Totalement oubliées,
les Poésies d'un fantasque de
Désiré Tricot (de Valenciennes) nous révèlent
leffort dun fils de prolétaire au début du 19ème
siècle, pour accéder au monde de la poésie. Échec pathétique
dont ce livre retrouvé nous restitue la trace. Tentative
presque réussie, mais échec aussi pour Richard
Brautigan, suicidé il y a vingt ans quand
le retour à lobscurité suivit ses premiers succès.
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Quel quen soit lécho,
la poésie et la création restent une nécessité vitale pour
échapper à létouffement du quotidien, aux attentats
mesquins des tueurs de rêve. La fonction dune revue
comme La Nouvelle Revue Moderne
est à mes yeux de préserver cette part du rêve si nécessaire
à nos existences. Nous revendiquons, comme le jeune Dagobert du conte de Claude Vercey, le droit davoir
« la tête en lair » quand le besoin nous
prend de respirer à lair libre. A quand linscription
du « droit de rêver » parmi les droits de lhomme,
ce « rêveur définitif » selon lexpression
dAndré Breton ? Ce droit, on peut aussi lexercer
sans rien demander à personne, comme lont fait les
auteurs de ce numéro. En vous proposant de feuilleter ces
pages, où vous retrouverez également les signatures familières
de Jacques Abeille, Annie Wallois et Marie Groëtte,
jespère ne pas donner tort à notre ami Jean LAnselme qui mécrivait
après lecture du précédent numéro : « Partir
dans la N.R.M.,
cest voyager en sleeping ou prendre le transsibérien
»
Comme chacun le sait, on peut aller ainsi jusque dans la
Lune ! Avec ou sans son lapin. Bon voyage avec nous !
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PHILIPPE LEMAIRE
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