1er décembre 2004 

 

3ème année - n°11

 

  Un lapin dans la Lune

Ce numéro de La Nouvelle Revue Moderne a le goût de l’automne. Il vient nous aider à tourner les dernières pages de l’année 2004, dont certaines furent assez noires. Jean-Michel Aubevert, dans un court poème, évoque la chute des feuilles mortes. Lucien Suel nous offre ses proverbes à la noix. Il sera même question avec Alfonso Jimenez d’un lapin dans la Lune. Et pourquoi pas ? Comme le note Ericle Mimosa dans Premières demeures, même si nous refusons généralement de l’avouer, nous travaillons tous plus ou moins dans l’administration économique et sociale. Tâche ô combien exaltante ! Élargir l’horizon, maintenir ouvertes les portes qui permettent d’accéder à l’imaginaire et aux sentiers de la création est d’abord une question de survie. Parmi les auteurs de ce numéro, deux poètes qui tentèrent l’aventure bien avant nous. Totalement oubliées, les Poésies d'un fantasque de Désiré Tricot (de Valenciennes) nous révèlent l’effort d’un fils de prolétaire au début du 19ème siècle, pour accéder au monde de la poésie. Échec pathétique dont ce livre retrouvé nous restitue la trace. Tentative presque réussie, mais échec aussi pour Richard Brautigan, suicidé il y a vingt ans quand le retour à l’obscurité suivit ses premiers succès.

Quel qu’en soit l’écho, la poésie et la création restent une nécessité vitale pour échapper à l’étouffement du quotidien, aux attentats mesquins des tueurs de rêve. La fonction d’une revue comme La Nouvelle Revue Moderne est à mes yeux de préserver cette part du rêve si nécessaire à nos existences. Nous revendiquons, comme le jeune Dagobert du conte de Claude Vercey, le droit d’avoir « la tête en l’air » quand le besoin nous prend de respirer à l’air libre. A quand l’inscription du « droit de rêver » parmi les droits de l’homme, ce « rêveur définitif » selon l’expression d’André Breton ? Ce droit, on peut aussi l’exercer sans rien demander à personne, comme l’ont fait les auteurs de ce numéro. En vous proposant de feuilleter ces pages, où vous retrouverez également les signatures familières de Jacques Abeille, Annie Wallois et Marie Groëtte, j’espère ne pas donner tort à notre ami Jean L’Anselme qui m’écrivait après lecture du précédent numéro : « Partir dans la N.R.M., c’est voyager en sleeping ou prendre le transsibérien… » Comme chacun le sait, on peut aller ainsi jusque dans la Lune ! Avec ou sans son lapin. Bon voyage avec nous !

PHILIPPE LEMAIRE