Création-récréation

 

Mai 2007
 
- Julien CAMPREDON : Brûlons tous ces punks pour l'amour des elfes : "DES ROMANS ? Non. Des nouvelles, pas plus. Non, moi, je lis dans les culottes des filles…" Beau début, non ? Si vous vous faisiez une certaine idée de ce qu'est un recueil de nouvelles, oubliez-la. Ce livre ne ressemble à aucun autre. Julien Campredon, un des auteurs-phare de la revue Monsieur Toussaint Louverture, est une légende improbable. Imaginons qu'un type ait décidé de débiter en petits lots la Bibliothèque Universelle de Borgès (Tous les ouvrages de la création y compris ceux à venir). Il trouve un éditeur assez fou pour casser sa tirelire et faire imprimer un premier volume de ses écrits. L'objet, particulièrement soigné, est très séduisant. Quelques lecteurs innocents doivent s'y laisser prendre. Laissez-moi vous citer certains des titres auxquels vous ne devriez pas résister : Heureux comme un Samoyède, L'angoisse de la feuille de vigne, La branleuse espagnole, Six mois avec l'énigmatique étrangère triste… Avouons-le, autant de titres idéaux pour des livres imaginaires. Chance exceptionnelle, ceux-ci ont été réellement imprimés et n'attendent que votre bon vouloir de lecteur. Comprenez que s'il existait un grand prix de l'humour féerique, il serait attribué par acclamations à Julien Campredon. Si vous souhaitez connaître la fin de l'histoire commencée ci-dessus, pour l'amour des elfes, laissez tomber tous ces punks et ne manquez pas cette perle de bibliothèque !
 

- Jacques JOUET : Le Voyage du grand verre La Bibliothèque Oulipienne continue de s'étoffer discrètement, au rythme ardent de la production des artisans du célèbre ouvroir. Jacques Jouet est un des plus assidus et nous livre ici le treizième supplément à ce grand roman à suivre qu'est devenu Le Voyage d'hiver, précieux texte de Perec prolongé par Jacques Roubaud, Hervé Le Tellier et leurs amis. Je dois avouer que ce livre ouvert me fascine. Je suis persuadé qu'Hugo Vernier, poète obscur ressuscité par Perec et auteur du premier Voyage d'hiver, finira par trouver toute sa place dans notre histoire littéraire malgré le complot du silence de plus d'un siècle qui faillit étouffer jusqu'à son souvenir.

  • La Bibliothèque Oulipienne n°162 Mars 2007 (6 €). www.oulipo.net
 

- Hervé LE TELLIER et Xavier GORCE : Les Opossums célèbres : Ce premier volume de la collection "Les Mythographes", qui associe un auteur et un illustrateur, est beau comme un " J'aime lire " ! Les Opossums célèbres sont des animots-valise d'un genre particulier. On trouve ici le calamarcelproust, la mureinedangleterre, la vipèrenoël et même le caméléontrotski… Pour un peu, on emmènerait Zazie au zoo dans l'espoir de les rencontrer !!

  • Le Castor Astral (10 €).
 

- Anne LETORÉ, Annie WALLOIS, Dan FERDINANDE : T'as peau dire. "On va quand même pas se prostituer sur l'autel de l'humour…", proclament les Dé/Mailleuses. Elles lisent leurs textes dans les cafés de Lille, pour la peau ou presque. La peau qui est justement le thème de leurs dernières lectures, réunies dans ce recueil dissonant où leurs voix se dénudent, chacune à sa manière, une fois soulevée la jolie couverture de Popofe. Anne Letoré est la plus crue, à son habitude. Je nous quitte… Je pue, encore, ta peau… Annie Wallois est la plus discrète. Elle cache tout, sous les mots. Dan Ferdinande est la plus impudique. Elle parle d'amour, d'amour fou, de joie de vivre quand on est amoureuse... On a peau dire, la poésie à fleur de peau, ça ne laisse pas indifférent. C'est communicatif comme un frisson. (Voir la couverture du recueil et les extraits sur le catalogue des éditions du Rewidiage.)

  • Les Dé/Mailleuses - 16 rue Delvau Lille.
 

 - John PARAGRAPH : Alermite aux tertes littéraires ! Ouverte par un texte de Christoph Bruneel, Wordsbomb (n°00), la nouvelle collection " Pamphlets " de L'âne qui butine se veut ouverte à des revendications personnelles et éphémères, au sujet constipant ou dérangeant, au style léger ou acéré, au venin urticant ou décalé… Chaque livret est agrémenté d'une linogravure originale de Xtof le Bienheureux et tiré à 44 exemplaires numérotés. On ne manquera pas le n°14, Alermite aux tertes littéraires ! John Paragraph y lance un appel à la vigilance générale des lecteurs. Selon lui, de redoutables parasites s'installent à l'intérieur de nos livres... Mais je ne veux pas dévoiler davantage un des secrets les mieux cachés depuis la fondation du monde… Oserez-vous ouvrir ces pages ?

 

- Microbe 40: Blablas au rhum (Mars-avril 2007) Revue minuscule comme son nom l'indique, Microbe est une serre où l'on cultive le bonzaï littéraire. L'art si difficile du bref un peu tordu trouve ici un air qui lui convient. Chaque page contient une trouvaille. Tout m'y est sympathique, mais je dois avouer un faible pour un texte qui dépasse les autres d'une petite longueur, un conte noir d'Éric Allard intitulé " Une disparition ". On pense à Sternberg, mais aussi à Jean Ray…

  • Microbe Launoy 4, (B) 6230 Pont-à-Celles (" L'abonnement reste de mise pour soigner la petitesse du gamin " : 17 € pour 10 n°).
 

- La vie secrète des mots n°6 (avril 2007) L'aventure de cette jeune revue picarde se poursuit avec un numéro composite accompagné d'un supplément signé Patrice Maltaverne, Samson des bidonvilles.

  • Pascal Lenoir - 11, ruelle de Champagne 60680 Grandfresnoy (10 € pour 4 n°).
 

- MONS : LE SURREALISME EN BELGIQUE 1924-2000 / Armand SIMON 1906-1981 Chaussez votre monocle made in Belgium et ne manquez cet évènement au Musée des Beaux-Arts de Mons, juste rénové. Conçue par Xavier Canonne, qui vient de publier une Histoire du surréalisme en Belgique, cette expo ne se contente pas d'épousseter les portraits des chers disparus et leurs collections jaunies. Seuls les borgnes pourront ignorer que l'aventure menée en Belgique par Paul Nougé, René Magritte, Achille Chavée, Louis Scutenaire, Marcel Mariën, André Stas et leurs amis n'est pas terminée et reste un repère pour LE PRESENT. Une seconde exposition, dans la Grande Halle des anciens abattoirs est consacrée au dessinateur Armand Simon, hanté par les Chants de Maldoror et lointain inspirateur de Topor. Elle mérite tout autant cet indispensable détour.

 

- Cahiers de l'umbo n°8 (hiver 2006) Dans les Cahiers de l'umbo, le surréalisme poursuit sa vie secrète. Chaque image (surtout des collages), chaque texte, est une porte ouverte sur l'autre dimension du monde et de la vie. J'y ai noté cette phrase merveilleuse de Smohalla, Nez-Percés, fondateur de la religion des rêveurs au milieu du XIXè siècle : "Les hommes qui travaillent ne peuvent rêver ; et la sagesse nous vient des rêves".

 
 
 
 
 
 
PHIL FAX
 
Création-Récréation - Janvier 2007