Beau revers du rêve

       Beau revers du rêve quand l'avers est illusoire.
       Gardien des marigots infernaux, le chien d'or aux yeux d'airain tend au vent son mufle. Vous menace-t-il ?
        Vous gravissez le ravissement par-delà les acanthes et les moulures - et là encore tant d'or qu'excuse le plâtre ! - aveugle à cette lointaine frontière de fleurs et de rocailles. Offusquée par les charmes éclatants du monde vous croyez encore à la sourde promesse des ténèbres. Vous êtes perdue, peut-être, vous qui allez si vaillante et, fesses libres sous l'averse de lumière, dressez une invincible nudité qui frémit de son propre essor.
       La vigilante voilée se tourne vers son ombre, plus loin que les vasières et les oseraies, où s'éteint la garrigue. Elle chante à mi-voix le madrigal du potier.
       Fades visages de l'enfance entés sur l'arche de rude écorce, à tant veiller sur l'allégresse de vos fesses, les sots poupons ont perdu la tête.

       Le vase est vide et pâle, le crâne est sec et creux. Toujours native, vous passez sous la menace. La plupart du feu, le rêve est sans borne.

 

 Jacques Abeille
2015 - Sur un collage de Philippe Lemaire
La N
RM  n°38 - Printemps 2017