Pierre Molinier, présence de l'exil

Pierre Molinier est de nouveau parmi nous. A l'occasion d'une exposition rétrospective, Bordeaux témoigne enfin un peu de reconnaissance au "monstre" qu'elle abrita, artisan et artiste peintre, qui termina sa vie en photographe solitaire de ses propres fesses. L'homme aimait tant les femmes qu'il se voulait " lesbien ". André Breton s'émerveilla pour sa peinture, mais son goût pour le travestissement fit peur à plus d'un en son temps. Il ne vit jamais paraître le grand livre auquel il travailla jusqu'à sa mort. Rares sont ceux qui l'approchèrent et le comprirent vraiment. Jacques Abeille est de ceux-là. Pierre Molinier, présence de l'exil est composé de six textes dont la rédaction s'étale de 1966 à 2005. Je ne connais pas de livre plus sensible, plus pudique, plus intelligent, écrit par un homme sur un autre homme, par un artiste sur un autre artiste. La distance est certaine, le regard de Jacques Abeille n'épouse à aucun moment celui de Molinier, et la magie de son écriture pourtant nous rapproche de cet homme à la singularité si troublante. Il parvient à nous faire saisir un peu de son mystère, de sa fragilité, et de la tragédie que furent ses dernières années - une tragédie que masquent si bien les roses noires surgies de ses fantasmes. Mais ce livre va au-delà de son sujet apparent, et n'épuise pas facilement ses secrets. Il ne parle pas seulement de Pierre Molinier, de ses amours et de ses photomontages, mais aussi de nous-mêmes.

Phil Fax
La NRM   n°14 - décembre 2005
 
  • Jacques Abeille : Pierre Molinier, présence de l'exil. Opale/Pleine page éditeurs, © 2005 (14X19 cm - 128 pages - 14 €).
    Pleine Page - 12 rue Jacques Cartier 33300 Bordeaux - tél : 05 56 50 61 16 - fax : 05 56 39 26 08 - www.pleinepage.com