Pierre
Molinier est de nouveau parmi nous. A l'occasion d'une exposition
rétrospective, Bordeaux témoigne enfin un peu
de reconnaissance au "monstre" qu'elle abrita, artisan
et artiste peintre, qui termina sa vie en photographe solitaire
de ses propres fesses. L'homme aimait tant les femmes qu'il
se voulait " lesbien ". André Breton s'émerveilla
pour sa peinture, mais son goût pour le travestissement
fit peur à plus d'un en son temps. Il ne vit jamais paraître
le grand livre auquel il travailla jusqu'à sa mort. Rares
sont ceux qui l'approchèrent et le comprirent vraiment.
Jacques Abeille est de ceux-là.
Pierre Molinier, présence de l'exil est composé
de six textes dont la rédaction s'étale de 1966
à 2005. Je ne connais pas de livre plus sensible, plus
pudique, plus intelligent, écrit par un homme sur un
autre homme, par un artiste sur un autre artiste. La distance
est certaine, le regard de Jacques Abeille n'épouse à
aucun moment celui de Molinier, et la magie de son écriture
pourtant nous rapproche de cet homme à la singularité
si troublante. Il parvient à nous faire saisir un peu
de son mystère, de sa fragilité, et de la tragédie
que furent ses dernières années - une tragédie
que masquent si bien les roses noires surgies de ses fantasmes.
Mais ce livre va au-delà de son sujet apparent, et n'épuise
pas facilement ses secrets. Il ne parle pas seulement de Pierre
Molinier, de ses amours et de ses photomontages, mais aussi de nous-mêmes.
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