Après
une longue vie de poète et d'éditeur, José Millas-Martin
nous a quittés au début du mois de décembre 2011.
Cette page, qui rend hommage à l'auteur surprenant qu'il était,
est aussi une invitation à le relire
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La
bibliothèque
Avant
je regardais rarement la bibliothèque Petit bourgeois
je la voyais objet décoratif valorisant j'étais
comme ces gens pressés pour qui la lecture est
un moyen de tuer le temps
La
lecture je connaissais sur manuscrits j'en ai parcouru
plusieurs milliers de pages j'avais une espèce
de facilité pour la lecture en diagonale
Maintenant
que j'ai une conscience à géométrie
variable j'en ai honte
À
présent je rôde autour des livres Je les
palpe aux reins Je les hume Je les lis entièrement
avec un plaisir trouble
On
revient toujours sur les lieux de ses crimes
©
José Millas-Martin 2011
(Poème extrait de
l'anthologie À mots rompus
Avec l'autorisation de José Millas-Martin pour
la NRM n°
28,
Automne 2011)
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Lire José Millas-Martin
- Avis
de Passage, de José
MILLAS-MARTIN (Illustration de Danilo Roméro).
"Avis de passage, quel meilleur titre que
celui-là pour nous incliner à plus d'humilité,
pour nous reconduire à ce que nous sommes : de
révocables passants", note Gérard
Cléry dans son avant-propos. Dans le prolongement
d'une uvre qui n'est pas sans complicités
avec celle de Jean L'Anselme, José Millas-Martin
porte sur le parcours d'une longue vie et sur la cruauté
du monde un regard plein de sensibilité et d'ironie.
De l'accident du travail subi à seize ans ("Ma
main imprimée"), à la mémoire
des soldats assassinés par la République
("Six cents hommes fusillés pour l'exemple")
et jusqu'aux reflets que renvoient les regards des autres
à un homme âgé ("Regards"),
les occasions ne manquent pas de faire provision de
lucidité. Ces poèmes sont autant de "moments
retenus par la manche" qui débouchent sur
des désarrois crépusculaires avec
l'écriture comme recours. Mais pas d'illusions
! Nos photos disparaîtront comme nous. Nous n'écrivons
pas pour la postérité, "celle-ci
nous montre son cul d'asticot en ricanant et nous indique
la sortie de secours". Face à l'approche
du néant, puisqu' "on ne possède
rien, jamais, qu'un peu de temps" (Sénèque,
Montaigne, Guillevic
), occuper le présent
et ses instants, à la façon des "mauvaises
herbes vagabondes terreurs des jardins, sauvages, arrogantes
mais libres". En bonus, cette devise qu'il faudrait
afficher partout, comme les "tableaux-maximes d'autrefois
: "L'abus de la connerie quotidienne est dangereux
pour la santé. Sachez la consommer avec modération."
Phil Fax - La
NRM n°24
(été 2009)
- La Bruyère éditions (12
€).
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