Les exilés du pôle, d'où
leur vient cette rancur ? Le sang affleure-t-il à leur joue
? Est-ce la rame qui leur perfore le thorax ? Jouant au boulier compteur
ou au vaisseau sanguin, à quel rivage rendre compte de l'ours ? Celui-ci
serait-il câlin ou malin, j'entends s'avançant en douceur pour vous
planter la griffe cimeterre au nud de l'épine dorsale, et sceller
là le nerf optique ? Que de visions m'apparaissent en un seul coup
de canon ! Ou est-ce la lampe restée allumée sur la table de chevet
et le bateau est bien mon lit, le blanc, celui des draps neigeusement,
et c'est Noël avec son cortège de rennes et de jésus savants donnant
à manger aux animaux du cirque, avec l'eau très douce qui file le
coton du lapin ?
L'enfance est-elle bien l'avenir de l'ange, à moins qu'il n'y ait
laissé sa peau tant le père Fouettard le fit rentrer dans la peau
d'un ange ? Le désert peut-il être sublime quand la vie est l'exception
? Peut-être est-ce que le temps s'accroche à la vie, car il glisse
sur la rotation des astres ? Le sang des anges fait circuler les saisons
dans la peau de l'homme. Une feuille à l'automne comme un front longuement
pensé, qui fut vert, qui a rougi, qui fut jauni, c'est du printemps
qui dit l'avenir a posteriori dans les nervures comme les lignes d'une
paume. Mais ce qui l'imprégna, sueur, pain, poings serrés, main tendue,
corne de cerf ! Devise l'interrogation du cur à l'interface
des ailes. Un enfant dans la nuit explore les boulevards défendus.
Ouvrira-t-il le ventre de la peluche pour y découvrir son trésor ?
Le rêve le sauve car veille le cher ange.
Mais si froid soudain, l'écorché vif. Il faut que je me sauve, et
toutes les voiles sont tombées. Plus de paupière à l'il qui
s'éveille ! Comment revenir si ce n'était pas un rêve ? On est tombé
de la peau de l'ange comme par la peau du cou, secoué de clarté.
Quand j'ai fendu la banquise, le sang m'a pardonné les mains. Mais
je vois l'éclaircie des couleurs ramener la vie au front du marin.
Les Indiens dont je fus, le premier visage pâle venu, crurent assister
au retour des morts. La planète allait être ronde et je ne vins pas
au monde.
Novembre 2002
Paru dans La NRM Hors-série
n°3 - Avril 2003
|