Dans
un monde qui nous éclabousse de ses tendances mortifères,
l'exposition Arcane 17 L'âme
du rêve est placée sous le signe de
vie qu'est la création artistique et poétique.
Arcane 17 (l'Étoile
du Tarot) est ce livre de renouveau qu'André Breton écrivit
au Canada du 20 août au 20 octobre 1944, et publia à
New York en mars 1945. Le message surréaliste est réaffirmé.
Face au désastre de la seconde guerre mondiale, comme
après celle de 1914-18, la révolte absolue est
à l'ordre du jour :
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C'est la révolte même, la révolte
seule qui est créatrice de lumière. Et cette
lumière ne peut se connaître que trois voies
: la poésie, la liberté et l'amour qui doivent
inspirer le même zèle et converger, à
en faire la coupe même de la jeunesse éternelle,
sur le point le moins découvert et le plus illuminable
du cur humain.
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Arcane
17 est à la
fois un récit du voyage en Gaspésie avec Élisa,
une prose poétique qui fait appel au rêve et à
l'amour, et un essai sur la résistance, les savoirs occultés,
la fraîcheur des utopies et la supériorité
de la femme (déjà chantée au début
du quinzième siècle par Cornélius Agrippa)
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Cette crise est si aiguë que je n'y découvre
pour ma part qu'une solution : le temps serait venu
de faire valoir les idées de la femme aux dépens
de celles de l'homme, dont la faillite se consomme assez
tumultueusement aujourd'hui. C'est à l'artiste,
en particulier, qu'il appartient [
] de faire prédominer
au maximum tout ce qui ressortit au système féminin
par opposition au système masculin, de s'approprier
jusqu'à le faire jalousement sien tout ce qui
la distingue de l'homme sous le rapport des modes d'appréciation
et de volition. [
] Que l'art donne résolument
le pas au prétend " irrationnel " féminin,
qu'il tienne farouchement pour ennemi tout ce qui, ayant
l'outrecuidance de se donner pour sûr, pour solide,
porte en réalité la marque de cette intransigeance
masculine qui, sur le plan des relations humaines à
l'échelle internationale, montre assez, aujourd'hui,
de quoi elle est capable.
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L'enjeu naturellement n'est pas seulement dans l'art mais
dans la vie. Depuis qu'André Breton a écrit
ces lignes, l'Histoire n'a cessé d'agiter sa grande
hache. L'Histoire, c'est la guerre. Après les tapis
de bombes, l'arme atomique a été utilisée
contre la population civile au Japon en 1945. Dans les
années qui ont suivi, aucune ne s'est écoulée
sans guerres. Les femmes et les enfants en sont toujours
les premières victimes. Aujourd'hui même,
des enfants meurent sous les bombes ou se noient en Méditerranée.
La course aux armements se poursuit. Les relations humaines
à l'échelle internationale prennent un tour
de plus en plus chaotique depuis le 11 septembre 2001.
"Jamais l'imaginaire autodestructeur de la civilisation
ne fut aussi fécond. Elle n'en
finit pas d'agoniser dans la production d'une souffrance
humaine de plus en plus effroyable", note la philosophe
Claire Lejeune dès 2003[1].
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L'insurrection poétique
n'apporte pas de réponse miracle à ces questions.
Mais en cherchant d'un même mouvement à changer
la vie et à transformer le monde, le surréalisme
s'appuie sur le refus radical pour poser les bases d'un changement
dans l'imaginaire. Les vieux modes d'oppression et de domination
se nourrissent des inégalités qui nourrissent
les violences et les guerres. Mais leur reproduction
n'est pas seulement le résultat de rapports de forces
entre classes et groupes sociaux. Elle est aussi le produit
d'un imaginaire social instituant, comme l'a bien montré
Cornélius Castoriadis[2].
Il suffit de suivre un peu l'actualité pour observer
le rôle du symbolique dans nos sociétés.
S'émanciper de l'imaginaire dominant pour explorer d'autres
voies participe ainsi d'un enjeu essentiel, la réforme
de la pensée et de l'entendement humain.
Briser le cercle qui entraîne
la planète dans une course vers l'abîme n'est pas
à notre portée individuelle. Mais chacun peut
décider : "Je ne peux changer le monde, mais je
peux commencer à le changer." (Alexandro Jodorowsky)
Nous retrouvons ainsi le message de l'Arcane 17 : "Agir
dans le monde, trouver sa place." Ce choix
va au-delà de la liberté que s'accordent les artistes
en construisant leur uvre. Dans son dernier livre, Sur
l'esthétique[3],
Edgar Morin, lie le rôle des artistes aux enjeux de l'existence
dans nos sociétés :
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Aujourd'hui normalisation
et standardisation veulent prendre les commandes de nos
vies, pour reprendre Cornelius Castoriadis, nous subissons
la montée de l'insignifiance. De lourds obstacles
s'opposent à l'épanouissement de la poésie
de la vie. Plus nous sommes dominés par les forces
anonymes, plus nous avons besoin d'y résister.
La résistance nécessite des oasis de vie
poétique.
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Créer
des oasis poétiques, les relier, leur permettre d'apparaître
d'un lieu à l'autre et d'essaimer au niveau local,
tel est le projet dans lequel s'inscrit l'exposition dont
ce numéro 39 de la Nouvelle
Revue Moderne
constitue le catalogue. Une belle occasion de fêter
les 15 ans de la revue, créée en mars 2002 et
désormais éditée en coopération
avec Venus d'ailleurs.
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L'Arcane
17, L'Étoile du Tarot, est la marque distinctive
des éditions Venus d'ailleurs,
fondées par Aurélie Aura et Yoan Armand
Gil et implantées à Gajan (Gard).
L'exposition Arcane
17 L'âme du rêve s'inscrit dans
le parcours de cette étoile nomade qui évolue
au cur d'une constellation d'artistes de diverses
générations liés à la fois
par des affinités artistiques et affectives et
par une référence partagée au surréalisme,
où chacun garde son entière liberté
de sentir, de penser et de créer.
Venus d'ailleurs a ainsi
organisé ces dernières années différentes
expositions collectives à géométrie
variable dans des lieux aussi divers que Nîmes,
Gajan, Paris (galerie 17), Bruxelles, Montpellier, Uzès,
Liège
Pour
l'organisation de l'exposition Arcane 17, la rencontre
avec Yveline Redlich et Marc Sinkiewicz a été
déterminante. Ils ont fondé la galerie associative
SAGA voici 4 ans à Hellemmes. Leur projet avance
au rythme de leurs rencontres, coups de cur et curiosités
La galerie accueille avec le même enthousiasme l'artiste
hellemmois ou lillois, ou celui qui vient de plus loin.
Ainsi, des liens se sont tissés avec des artistes
du Burkina Faso, dont la créativité actuelle
est présentée au public français.
Par son approche conviviale et sa volonté d'ouverture
aussi bien aux habitants du quartier qu'aux artistes venus
d'ailleurs, la galerie SAGA nous a paru être un
lieu particulièrement adapté à une
rencontre entre artistes venus du Sud, de Belgique et
du Nord de la France. L'exposition, organisée en
lien avec la manifestation Histoires d'en lire,
bénéficie du soutien de la Mairie d'Hellemmes.
En parallèle, une seconde exposition est organisée
à la librairie-galerie L'Espace du dedans animée
à Lille par Marie-Christine Dubois, un lieu unique
orienté à la fois sur la défense
d'artistes contemporains et celle de livres d'artistes.
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Les
deux galeries donnent ainsi l'occasion de découvrir
des photographies d'Aurélie Aura (Gajan), des collages
de Claude Ballaré (Crest), des dessins de Christoph
Bruneel (Mouscron), de Michel Cadière (Nîmes),
de Yoan Armand Gil (Gajan), Benjamin Monti (Liège),
des peintures et des assemblages de Darnish (Dieppe), des
collages, dessins et gravures de Fabien Delvigne (Bruxelles),
des gravures d'Agnès Dubart (Lille), de Charlotte Massip
(Bordeaux), des collages de Susan Mende (Uzès), des
collages et des assemblages de Nathalie Moulin (Lozère)
et Yves Reynier (Nîmes), des dessins et collages de
Nadine Ribault (Condette), ainsi qu'une sélection de
mes collages.
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Dans
les pages qui suivent, ce numéro catalogue présente
des uvres de chacun des artistes invités. Notre
pari, comme dans les expositions que nous avons déjà
pu présenter ensemble, est que circule entre les uvres,
parfois mêlées ou associées, le grand souffle
qui anime ces créations différentes, et
qui pourtant communiquent entre elles. L'esprit du collage,
qui prolonge la pensée naturelle, autrement dit la pensée
magique fondée sur les inépuisables ressources
de l'analogie, y est présent. Des correspondances et
des connivences naissent dans ces pages. Des surprises, aussi,
des découvertes, et peut-être des émerveillements
vous y attendent.
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Parmi
les auteurs invités, Laure Missir, dans le prolongement
de notre livre Le Grain de l'ivresse, m'a fait le plaisir
d'écrire spécialement un poème ancré
sur l'Arcane 17. Nadine Ribault, qui est aussi
sa complice (leur dernier livre, La Mâle soif de l'entêté
désir, collages de Laure Missir, est un bonheur de
lecteur)[4],
m'a proposé un texte inédit, "Dans le noir
du contre-assassinat". "Il faut danser pour rêver,
inventer pour qu'existe, danser pour laisser dans le sable la
trace de nos pas
" écrit-elle. Géraldine
Serbourdin, quant à elle, nous offre "L'aveu du
rêve" et quatre autres poèmes également
inédits. Une surprise, "Rêve d'Amahani",
une chanson de David Van Robays où revient comme un refrain
la poupée d'Hans Bellmer. Enfin, Jacques Abeille, auquel
le numéro 38 de la NRM
"Écrire encore demain" est largement consacré,
m'a autorisé à publier ici deux autres textes
écrits à partir de collages.
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Merci à toutes et à
tous, artistes et auteurs, et à celles et ceux sans qui
ce projet n'aurait pu voir la lumière.
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Philippe Lemaire
phil.faxàfree.fr
La NRM n°39
- Printemps 2017
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Exposition
du 31 mars au 16 avril 2017
Galerie
SAGA (Sinkié
Art Galerie Atelier)
265 rue Roger Salengro 59260 Hellemmes-Lille
sinkie59@gmail.com
Voir
l'annonce de l'expositon...
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Artistes
et livres venus d'ailleurs
du 30 mars au 15 avril 2017
à L'Espace du dedans
28
rue de Gand 59000 Lille
www.espacedudedans.com
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[1]
Théories et pratiques
de la création. Le génie de la différence
nous délivra-t-il de la tyrannie de l'identité
? Cahiers internationaux de symbolisme, n° 104-105-106
(2003).
[2]
Cornélius Castoriadis, L'Institution imaginaire de
la société et Les Carrefours du labyrinthe
(éditions du Seuil).
[3]
Edgar Morin, Sur l'esthétique (Robert Laffont,
2016).
[4]
Editions des deux corps 31, rue René Marcillé
35000 Rennes
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