Hiver - Printemps 2016

 

15EME ANNEE N°37

Créer, c'est résister

« Créer, c'est résister », me disait Marie Noël après les attentats qui ont ensanglanté Paris et détruit des personnes magnifiques. Face au retour du refoulé et d'une pensée simpliste et réactionnaire, continuer à créer, à penser le réel dans sa complexité, et placer les droits de l'imaginaire au cœur de notre résistance !

     J'ai saisi « la main qui rêve » comme fil directeur de ce numéro. L'expression est de Gérard Farasse, ami et écrivain présent dès les débuts de la Nouvelle Revue Moderne, et disparu le 28 septembre 2014. En marge d'un travail critique important, il a construit sur une douzaine d'années l'œuvre d'un rêveur définitif. Comme Borges, il a choisi d'écarter la forme du roman, nous léguant un kaléidoscope de petites proses d'autant plus fascinantes qu'elles offrent à profusion images, musique et parfums.

     Sous le titre « Main courante », Myriam Boucharenc a établi et présente ici huit textes inédits, puisés dans les manuscrits aimablement confiés par Vincent Farasse, fils de l'écrivain et auteur lui-même. Elle prolonge cet hommage à l'homme qu'elle a aimé par un texte plus personnel qui relie le moment de l'adieu à la présence d'un collage où apparaît précisément cette « main qui rêve ».

     En prélude à ce dossier central, un cadeau de Géraldine Serbourdin sur le travail du rêve, et un poème de Ian Monk, Ce livre qui reste à écrire. En juin dernier, à l'occasion d'une lecture et d'une exposition à la médiathèque de Lille, Fragments dérobés à des livres futurs, les oulipiens regroupés autour de Marcel Bénabou écrivirent chacun un texte autour d'un de mes collages. J'avais proposé à Ian Monk Belle de Bibliothèque sortant son dragon, une image publiée pour la première fois dans Lettres de château, de Gérard Farasse.

 

     Dans le Prière d'insérer de ses Exercices de rêverie - un feuillet glissé en tête du livre comme un errata ou une page détachée - Gérard Farasse écrivait :

J'ai oublié la mer
J'aurais bien aimé qu'il y ait la mer, dans ce livre.
Pour cette sensation, à chaque fois, de révélation qu'elle donne.
Mais il est trop tard pour l'y mettre, et d'ailleurs, en aurais-je eu la place ? (…)

     En lisant « Le pays des nuages et le point hors-du-monde «, quelques pages des Carnets de la Côte d'Opale de Nadine Ribault, j'ai senti la présence de cette « porte sur l'infini »…
     Quant à Jacques Abeille, c'est une pure fantaisie qu'il nous offre, une légende teintée d'humour, qui suggère cependant que le pire peut arriver si une main maladroite fait sonner la mauvaise cloche, celle qui déclenche la catastrophe…

 

Philippe Lemaire
phil.faxàfree.fr