Pour saluer
la fée Imagination
Je
dois avouer que ce numéro a été composé
de manière un peu chaotique. Mais le désordre
n'est-il pas, selon Paul Valéry, "le délice
de l'imagination" ? J'ose croire que la fée Imagination,
qui semble fuir beaucoup de nos contemporains, fait son apparition
dans ces pages. Elle est sensible à la merveille des
dessins d'enfants (Côme de
Fabry, en couverture) ou des dessins au stylo bille
de Florence Bongni. Elle
ne craint pas les bisous du "vampire lactophile",
créature des plus brumeuses imaginée par Charles
Dutilleul, dans un conte où les mots vont
en désordre pour mieux contribuer au charme du récit.
Elle pénètre après
la dernière représentation dans le chapiteau
aux 2846 étoiles de Lou Dubois
et admire la trapéziste qui danse sur les longues
moustaches souples du dompteur de fauves. Elle se laisse entraîner,
à la suite de Clio Verrin,
dans de nouvelles aventures d'Alice et de Peter Pan. Elle
se plonge avec délice dans les rêves, rêveries,
collages et dessins de Marie Noël
Döby. "La toupie", qui conte l'idylle
tourbillonnante de Phileas le grand-père Voyageur,
lui donne le tournis. C'est une histoire conçue pour
donner le vertige. Elle est extraite d'un improbable jeu littéraire
des 7 familles élaboré par Claude
Chautard, polygraphe inspiré qui s'appuie
volontiers sur des contraintes d'écriture, à
la façon de l'OuLiPo. La fée s'amuse des histoires
sans paroles de Lafrite et Matouloup dessinées "façon
BD" par Popofe Dumont.
Elle vole jusqu'à Cayenne pour assister à la
cérémonie du 8 mai, place du coq, et suit avec
les officiels, la fanfare et les porteurs d'uniforme, les
déambulations d'un chien errant. De cet épisode
pour film burlesque rapporté par Francis
Carpentier, elle passe volontiers au "Dindon
rustique" une fable d'Alfonso
Jimenez qui s'avance en équilibre sur un
fil, comme un funambule !
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Par
un collage superbe, Benjamin Noël
rend hommage à William
Burroughs. Belle occasion de relire "Les
Voleurs", petit chef d'uvre d'insolence publié
en 1977 par l'ancien locataire du "Beat hotel"
de la rue Gît-le-Cur et traduit par Lucien
Suel. La fée Imagination revient souvent
dans cette rue de Paris où elle a ses entrées,
à quelques pas de là, dans une librairie ouverte
aux passionnés de la subversion du réel, à
l'enseigne du Regard Moderne.
Après ce périple, elle fera encore un tour
de vélo avec Mimosa
et voguera vers l'autre côté de la Méditerranée,
où l'appelle un beau texte nostalgique de
Daniel Martinez.
Vivent
les non-anniversaires ! 101 ans ½ après la
publication du premier livre de collages (What a life
! 1911 salué par Raymond Queneau dans Bâtons,
chiffres et lettres), la "chronique inactuelle"
est consacrée à l'actualité de l'art
du collage. Les liens entre écriture, collage et
poésie, apparus dès l'invention du papier,
sont plus fertiles que jamais. L'imagination est à
la fête. Il suffit d'oser bousculer les mots, les
images et les codes de la représentation. Tour d'horizon
de parutions récentes et incitation à faire
usage de cette liberté.
PHILIPPE
LEMAIRE
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