Présentation
d'Éric Dejaeger
Ça
a débuté comme ça. Féru de la
langue de Bukowski plus que de celle de Shakespeare, je m'étais
abonné il y a une dizaine d'années à Dockernet,
une feuille A4 imprimée recto-verso et envoyée
tous les mois par Harry Wilkens à ses abonnés.
J'y ai lu des choses formidables et j'ai contacté Harry
pour qu'il me mette in touch avec certains des poètes
qu'il publiait. À l'époque, je n'avais pas de
connexion Internet. Tout se faisait par snail-mail1.
Les échanges prenaient du temps, surtout lorsque la traduction
de certains textes demandait des éclaircissements. Sans
parler des frais d'affranchissement
Dès que j'ai
eu accès à Internet, tout s'est accéléré.
J'ai fini par disposer d'un important stock de textes au point
de publier en 2001 six plaquettes d'auteurs anglo-saxons (Dave
Church, Erich Von Neff, Harry Wilkens, Catfish McDaris, A.D.
Winans et Gerry Locklin) ainsi qu'un premier numéro de
ma revue Microbe entièrement traduit de l'anglais, un
"Spécial Irlande". La demande des poètes
était si forte qu'en plus de publier régulièrement
des traductions dans ma revue et des plaquettes, j'ai aussi
placé des textes dans d'autres publications, essentiellement
en France, avec entre autre un "Spécial U.S.A."
pour la revue Gros Textes. Depuis, j'ai continué à
traduire gracieusement (dans le sens non vénal du terme)
avec plus ou moins de régularité.
Car
la poésie anglo-saxonne foisonne, dans tous les sens.
La small press, en pleine expansion depuis l'arrivée
des P.C. dans nos maisons, s'est encore plus développée
avec Internet. Les supports, qu'ils soient sur papier ou virtuels,
se comptent par centaines et les petits éditeurs, s'ils
manquent d'argent, ne manquent absolument pas d'imagination
pour leurs mags et leurs chapbooks2.
Ils disposent aussi d'un énorme
réservoir d'auteurs, Bukowski - plus que tout autre -
ayant laissé des traces indélébiles dans
l'American dream de la poésie.
Quand
Philippe Lemaire a accepté ma proposition d'un numéro
bilingue de La Nouvelle Revue
Moderne - allez savoir pourquoi je me fourre toujours
dans toutes sortes de galères ! - il m'a proposé
de faire travailler les auteurs sur le thème du désir.
À part cela, j'avais carte blanche, si ce n'est qu'il
se réservait la sélection finale. Mon problème
essentiel a donc été de ne pas crouler sous une
avalanche de textes. Il faut savoir que la poésie et
la langue françaises ont toujours énormément
la cote auprès des poètes anglophones et que le
fait d'être traduit et publié dans la langue de
Baudelaire - même un petit poème de cinq lignes
dans une revue qui tire à cent exemplaires - est considéré
par eux comme une espèce de consécration !
Ayant
traduit à ce jour, rien que pour Microbe, près
de cent poètes différents, il m'était impossible
de les contacter tous. J'ai donc opéré une sévère
sélection selon mes affinités et en tentant de
garder un minimum de femmes - c'est toujours moche quand il
n'y en a pas dans une revue ! Le thème ayant, comme je
m'y attendais, rebuté quelques personnes, la quantité
de textes reçus restait dans les limites du supportable.
J'en ai éliminé certains d'office (manque de qualité
ou, simplement, impossibilité de traduire sans trahir)
et j'ai finalement proposé vingt-quatre textes à
mon boss. C'est sa sélection définitive
que vous allez découvrir. Vous verrez que la poésie
anglo-saxonne se porte bien. Et vous ?
Éric
Dejaeger
Traducteur de garde un week-end sur deux
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