Eté 2009

 

8° ANNEE  N°24

 

L'horloge des désirs
Une anthologie bilingue

Présentation d'Éric Dejaeger

      Ça a débuté comme ça. Féru de la langue de Bukowski plus que de celle de Shakespeare, je m'étais abonné il y a une dizaine d'années à Dockernet, une feuille A4 imprimée recto-verso et envoyée tous les mois par Harry Wilkens à ses abonnés. J'y ai lu des choses formidables et j'ai contacté Harry pour qu'il me mette in touch avec certains des poètes qu'il publiait. À l'époque, je n'avais pas de connexion Internet. Tout se faisait par snail-mail1. Les échanges prenaient du temps, surtout lorsque la traduction de certains textes demandait des éclaircissements. Sans parler des frais d'affranchissement… Dès que j'ai eu accès à Internet, tout s'est accéléré. J'ai fini par disposer d'un important stock de textes au point de publier en 2001 six plaquettes d'auteurs anglo-saxons (Dave Church, Erich Von Neff, Harry Wilkens, Catfish McDaris, A.D. Winans et Gerry Locklin) ainsi qu'un premier numéro de ma revue Microbe entièrement traduit de l'anglais, un "Spécial Irlande". La demande des poètes était si forte qu'en plus de publier régulièrement des traductions dans ma revue et des plaquettes, j'ai aussi placé des textes dans d'autres publications, essentiellement en France, avec entre autre un "Spécial U.S.A." pour la revue Gros Textes. Depuis, j'ai continué à traduire gracieusement (dans le sens non vénal du terme) avec plus ou moins de régularité.

      Car la poésie anglo-saxonne foisonne, dans tous les sens. La small press, en pleine expansion depuis l'arrivée des P.C. dans nos maisons, s'est encore plus développée avec Internet. Les supports, qu'ils soient sur papier ou virtuels, se comptent par centaines et les petits éditeurs, s'ils manquent d'argent, ne manquent absolument pas d'imagination pour leurs mags et leurs chapbooks2. Ils disposent aussi d'un énorme réservoir d'auteurs, Bukowski - plus que tout autre - ayant laissé des traces indélébiles dans l'American dream de la poésie.

     Quand Philippe Lemaire a accepté ma proposition d'un numéro bilingue de La Nouvelle Revue Moderne - allez savoir pourquoi je me fourre toujours dans toutes sortes de galères ! - il m'a proposé de faire travailler les auteurs sur le thème du désir. À part cela, j'avais carte blanche, si ce n'est qu'il se réservait la sélection finale. Mon problème essentiel a donc été de ne pas crouler sous une avalanche de textes. Il faut savoir que la poésie et la langue françaises ont toujours énormément la cote auprès des poètes anglophones et que le fait d'être traduit et publié dans la langue de Baudelaire - même un petit poème de cinq lignes dans une revue qui tire à cent exemplaires - est considéré par eux comme une espèce de consécration !

     Ayant traduit à ce jour, rien que pour Microbe, près de cent poètes différents, il m'était impossible de les contacter tous. J'ai donc opéré une sévère sélection selon mes affinités et en tentant de garder un minimum de femmes - c'est toujours moche quand il n'y en a pas dans une revue ! Le thème ayant, comme je m'y attendais, rebuté quelques personnes, la quantité de textes reçus restait dans les limites du supportable. J'en ai éliminé certains d'office (manque de qualité ou, simplement, impossibilité de traduire sans trahir) et j'ai finalement proposé vingt-quatre textes à mon boss. C'est sa sélection définitive que vous allez découvrir. Vous verrez que la poésie anglo-saxonne se porte bien. Et vous ?

Éric Dejaeger
Traducteur de garde un week-end sur deux

 

1 - snail-mail : litt. "poste-escargot", par opposition au courrier électronique.
2- mag (de magazine) : petite revue ; chapbook : plaquette.