Robert Rapilly
Xylipolexe
& autres choses très invraisemblables
C'est un sonnet sonnant très
bizarre qui m'a révélé l'existence d'un
poète entièrement différent nommé
Robert Rapilly. Il avait offert à Marie Groëtte
un poème qui pouvait se lire dans les deux sens, du
haut vers le bas, et du bas vers le haut - un sonnet palindrome.
Ma curiosité fut attisée, et j'eus immédiatement
envie de faire la connaissance de son auteur. Les gens qui
offrent à leurs amis des poèmes qu'ils ont composés
eux-mêmes sont assez rares ; ceux qui passent des jours
à fignoler une brassée de vers à seule
fin d'inviter une unique lectrice au plaisir de les parcourir
dans un sens puis dans l'autre le sont encore plus. Notre
première rencontre autour d'une table amicale a été
suivie de bien d'autres. J'ai découvert au fil du temps
les talents multiples de Robert, animateur d'ateliers d'écriture,
artiste, peintre, colleur, musicien, chroniqueur de jeux littéraires
dans Les Nouvelles d'Archimède, initiateur d'expositions
et d'initiatives culturelles aux allures d'utopies, comme
les lectures-performances de "Zazie mode d'emploi"
à Lille et à Lomme, et cette miraculeuse semaine
en "Pirouésie" en juillet 2007 sur ses terres
natales de la Manche. "Chaque vrai poète porte
en lui un univers singulier qu'il voudra délivrer"
notait Jean Follain, originaire comme lui de cette presqu'île
du Cotentin qu'hantent encore les sorciers et les goublins,
aux abords de la lande de Pirou et du Moulin de Beauregard.
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Ce qui est extraordinaire
chez Robert, c'est que derrière ses airs de rêveur,
se cache un authentique rêveur, un rêveur absolu.
Il lui arrive de faire semblant de s'en excuser car il sait
qu'il emprunte, sans le moindre prétexte utilitaire,
un itinéraire peu commun. Si sa modestie le retient souvent
de se mettre en avant, c'est que la générosité
qui l'incite à partager le bonheur de créer est
toujours son réflexe premier. La poésie selon
Robert Rapilly doit être faite par tous et offerte à
tous.
Lorsqu'il se prend
à ne pas rêver, Robert s'applique à lui-même
la discipline. Il en parle avec un ton de respect presque religieux
dans la voix. Il l'appelle "la Contrainte". Elle est
à ses yeux à l'exact opposé de la Nécessité
qui entrave la création et tue le rêve : c'est
la grande libératrice. Robert partage cette foi avec
les "oulipophiles", les adeptes des pratiques oulipiennes
(du nom de l'OULIPO - Ouvroir de Littérature Potentielle,
créé par François Le Lionnais et Raymond
Queneau à Cerisy en 1960). A la différence de
bien d'autres, les oulipophiles sont des supporters très
supportables. Ils ne cassent pas les fauteuils lors des lectures
organisées à la BNF. Ils ne se répandent
pas dans les rues en beuglant "Chie cagot !" à
chaque nouvelle trouvaille de Jacques Roubaud et ses affidés.
On s'habitue très vite à leurs manies. On se range
à leurs déraisons. On se prend même à
en redemander. Dois-je en dire beaucoup plus ? Je cède
à Jacques Jouet, membre de l'Ouvroir, le soin de d'introduire
le travail poétique de Robert Rapilly, dont c'est ici
le premier recueil.
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PHILIPPE
LEMAIRE
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