Ivar Ch'Vavar Cadavre grand m'a raconté |
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Cette "anthologie
de la poésie des fous et des crétins dans le Nord de
la France" est une nouvelle édition considérablement
augmentée de l'ouvrage paru à 350 exemplaires en 1986,
du temps de la revue L'Invention de la Picardie, et épuisé
depuis C'est le grand uvre d'Ivar Ch'Vavar, la matrice souterraine
d'une bonne partie de son travail (voir le n°78-79 de la revue
Plein Chant et la chronique de Didier Morel dans le n°13
de La Nouvelle Revue Moderne). Nathalie Quintane,
sur le site Remue.net, me semble avoir les mots justes lorsqu'elle
écrit : "On en sort éberlué. Tellement,
qu'on a peur de ne pouvoir rendre justice à ce livre énorme,
cérébral et terreux." Tout est faux, ou presque,
dans ce grand hommage à la Picardie Mentale, et pourtant tout
sonne juste. Le trouble est certain. L'Abbé Pécucherel,
initiateur improbable de cette anthologie des fous, crétins
et naïfs du Nord de la France n'a jamais existé. Son disciple
Alix Tassememouille non plus, et on doute de l'existence de la plupart
des soixante-quinze auteurs réunis ici, qui portent pourtant
des noms authentiquement picards : Boussemart, Caffiez, Desenclos,
Goret, Haudiquet, Lagache, Lecul
Les biographies qu'on leur
prête sont des plus fantaisistes (réjouissante lecture
!) et leurs uvres appartiennent au rarissime patrimoine des
bibliothèques imaginaires. Mais attention : quelques auteurs
bien réels figurent dans le lot, même si en ce qui les
concerne également, on peut douter des éléments
biographiques présentés. Méfiance, ou plutôt
jouissance, car ce méli-mélo de français et de
picard, d'auteurs réels et imaginaires, d'uvres de pure
invention et d'inventions magnifiques est des plus réjouissants.
Au fil des ans, c'est un véritable labyrinthe qu'a creusé
Ivar Ch'Vavar, dans le terreau d'une grande Picardie qu'il réinvente
et prend la dimension d'un monde. J'ai jubilé à la lecture
de certains textes qui dans l'invention, dans l'excès, dans
l'outrance, ne reculent devant rien et surtout pas devant les règles
du bon goût et du politiquement correct. Voyons par exemple
les écrits d'un certain Joël Lenfant, né à
Doingt, près de Péronne (Somme) en 1958 :
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L'auteur de ces quatrains est moniteur d'auto-école, le croirez-vous ? Il a complètement cessé d'écrire depuis 1988 et figure au Livre Jeanlain des Défis (p. 491 de l'édition 2001) "pour avoir à plusieurs reprises, devant huissier, réparé des voitures en panne par simple imposition des mains sur le capot." A la lecture de tels textes, on ne peut que sauter au plafond en se tordant de rire, ou bien vomir en se pinçant le nez de dégoût. J'ai volontairement choisi de citer ces exemples provocateurs pour que nous soyons bien d'accord. Il s'agit de littérature. Dans le cercle des mots, tout est permis, ou presque. Le poème Dada, le poème picard à la Ch'Vavar, le poème con à la L'Anselme, Les Illuminations, La Vie secrète de Cécilia
Cadavre grand m'a raconté est un livre sans pareil, un large éventail de textes étranges qui vont de l'écriture la plus naïve à la sophistication formelle la plus justifiée en passant par divers états de la folie et du délire. On y croise bien des ombres, celles de picards au parler pittoresque qui n'ont jamais écrit, mais aussi celles d'Isidore Ducasse et d'Arthur Rimbaud, et l'esprit farceur des Cent Nouvelles Nouvelles Il appartient d'ors et déjà au trésor de la poésie et au patrimoine régional, et aura bientôt sa légende.
Phil
Fax |
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