Texte
image/ image du texte/ sexe de l'image/ texte du sexe/
ou sexe du texte/image du sexe/ origine du monde/
Fantasme de l'origine du texte source ou de l'image muette,
éloquente sans le mot, parlante sans légende,
image toute puissante sans le recours au verbe.
Corps à corps de l'image et des mots/ sous texte
souterrain ou primitif/
Puissance de l'image qui se suffirait à elle seule,
au-dessous de laquelle le mot serait superflu voire en
trop/représentation d'un texte explicatif, qui
annulerait la force du visuel, qui le réduirait,
qui fermerait le sens en plaquant des mots.
Trop plein de sens saturant les espaces laissés
libres à l'il nu.
Texte parasite de l'image comme si la voix empêchait
le voir.
Texte allant contre l'image comme si le souffle des mots
étouffait le mouvement des couleurs, des formes,
des perspectives.
Le tableau est pour moi lié au récit. Le
paysage est toujours lieu du récit en place et
lieu du récit. Le texte n'est jamais premier il
est toujours redite. Réminiscence, parole inédite,
plagiat, bricolage ingénieux, jeu de mots/sens
à donner à sa vie/
Les mots reviennent toujours sur des images oubliées
ou cachées.
La phrase est pour moi ligne de fuite ou lieu de vie.
Les mots se dessinent et s'accrochent à du déjà
vu quelque part, à quelque chose de déjà
lu ou entendu il ya longtemps par moi ou d'autres qui
se sont invités sur le montage. Qui créent
de l'inouï, de nouvelles formes, des dispositions
autres, d'autres humeurs à raconter/
Collage des imaginaires que scellent des tracés
de mots. Tresses tricotées de lettres écrites
et nouées, de lectures qui ont cheminé et
se sont inscrites quelque part en nous, à notre
insu dans des temps incertains sur ma peau. /sur la sienne/
sur la page/sur les feuilles/sur l'écran/
L'inspiration n'existe pas, l'idéologie invente
des concepts romantiques et racoleurs pour que ne se fasse
pas jour la voix unique, pour que s'empêchent et
s'entravent des talents.
Seul existe le dialogue entre les textes, les images,
la rencontre entre les temps, la culture, la mémoire
des lieux, des livres, des paroles, des corps.
L'entrelacement des signes.
La scénographie des images et des mots.
Je ne peux voir sans que mes yeux parlent. Je ne pense
qu'en images dites. J'écris donc sur, à
partir, au travers. Par devers ces signes étalés,
entre les lignes entendues, sous la page, derrière
le dit, au-delà du visible, pour faire entendre
des voix, réveiller la mienne, m'aider à
me lever. Ne pas rester couchée, éteinte.
Ne pas demeurer sous terre avec mes morts. Ne pas rester
muette et recouverte de leur terre. Ne pas m'énerver.
Ne pas me taire. Ne pas me faire mal en me débattant
pour rien. Rongée comme eux. Disparue avec eux.
Je sais comment on peut aussi longtemps ne pas être
vivante.
Je sais comment on fait pour se cacher.
Je sais comment donner le change avec les gens normaux.
Je sais comment on meurt sans que ça se voie.
Je sais comment enfanter dans la mort.
Je sais comment feindre la vie.
Je sais comment les mots peuvent être tus.
Je sais combien mon corps peut enfermer la vie.
On n'invente jamais rien mais mon geste redit l'origine
du monde.
La parole écrite et jouée est éminemment
politique. Elle est appropriation de son identité
à chaque fois donc refus d'être noyé
dans la masse, dans l'anonyme. Mettre en mouvement sa
voix, son corps dans l'art c'est redonner à ceux
qui l'ont perdue la parole. C'est faire revivre à
travers soi les humiliés, les blessés, les
soumis, les tenus pour rien, les âmes errantes,
les pauvres, les demeurés, les attardés,
les laissés pour compte, les aliénés,
les privés de, les bernés.
L'intime et le politique se rencontrent pour moi au théâtre
et dans la poésie. Poétique et politique
changent le monde sur la scène. Dans l'incarnation
d'une voix se loge la révolution. Pas dans la rhétorique
politique. Pas dans le discours publicitaire et électoraliste.
À ce moment du parcours le discours est dévoyé.
Avant les meetings il y a la solitude de la création.
Loin devant.