La tête à l'envers
 
J'adore les femmes, je n'en ai ni honte ni fierté, c'est tout naturel, une femme c'est beau du talon au menton, et même plus haut, une femme est une chose parfaitement admirable, excusez ma bêtise, une femme est beaucoup plus qu'une chose, c'est quelque chose d'ineffable. Elle a des mains, un cœur, des jambes, des nichons, un petit cul, parfois un gros, elle a tout pour plaire, rien ne lui manque, elle a aussi des yeux dont le langage sans artifices va droit au plus profond du cœur, une femme a une bouche, des dents, une langue, elle a même une tête et la malicieuse cervelle. C'est une merveille.
 
J'ai trouvé en me promenant ce matin dans un coin très reculé, non loin de la Lune, un spectacle surprenant : des têtes de femmes jetées par ci par là, en l'air et dans des flaques, et, pour accentuer la surprise, deux bustes au port altier. Les têtes ont les yeux ouverts avec un regard doux et triste, elles sont dans un monde à part, leur monde à elles où je ne peux aller, il règne ici une drôle d'atmosphère dont le charme me saisit, j'aimerais me dissoudre dans l'air ambiant et disparaître parmi elles, disparaître complètement, avec ma propre tête, bien plus moche que les leurs. Me fondre dans ce climat qui n'est ni la vie ni la mort avec un parfum d'infini.
 

Je suis un peu perdu. Où aller ?

 
Vois-tu, m'a dit un monsieur qui passait par là très absorbé sous un chapeau, il y a les quatre éléments, l'air avec les têtes en l'air, l'eau avec les têtes dans l'eau, la terre sous les pieds et un feu très doux dans les yeux, c'est l'esprit féminin dans toute sa splendeur... L'harmonie des formes de ces bustes, une quatrième dimension, un monde inaccessible pour nous, les hommes, un amour impossible…
 
Maintenant j'ai la tête à l'envers moi aussi, et la cervelle apaisée, un calme infini, vide et lumineux…
Alfonso Jimenez
La NRM   n° 10 - octobre 2004