Pierre Peuchmaurd
Huit proses consécutives


J’éteins la lumière ?
Oui, mais allume-la d’abord.
Reinaldo Arenas

 

Nulle part la rose, sauf celle qu’on mâche en attendant la fin de la mort. Nulle part ce rire qu’on entend partout.

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La peur du fer forgé ornait nos nuits, et c’était la peur du noir qui forgeait le fer. Il y a une pierre sous chaque meuble – de fameuses pierres furieuses.

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Tu seras l’ombre aux jeunes os, je serai le bol du vent dans le coin du salon. Il y a ce vieux couteau, il y a ce qu’on croit savoir. Et longtemps ta joue, ta joue éternelle.

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Le papier peint montre les dents à tout propos et même hors de tout propos. Ce soir, nous n’avons rien à lui offrir, que ces gouttelettes de rage qu’on cueille sous les baisers. Ça ne suffira pas.

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L’idée de l’eau ne nous avait pas effleurés. Pourtant, ce bruit, cette chose, ces noyés sur le seuil. Mais tu es si distraite et je ne vois que toi. Dix jours qu’on les enjambe.

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Virgule, et la cinquième saison nous est passée sous le nez. Verte, virgule, avec ses accalmies et ses jeux sous les draps et ses orangs-outans et la sixième saison qui venait juste après. Au lieu de ça, le Sahara.

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Dis, poète !
Ne te retourne pas, mon amour. C’est « dix poètes » qu’ils ont dit. C’est un jeu de massacre.

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Je viendrai de toute façon.

(© 1989)