Lorsque
Guy Chambelland édite L'Oiseau et le ciel
aux éditions du Pont de l'épée en
1977, Frédéric Jimenez a onze ans. "Je
ne sais pas si, comme on l'annonce chaque fois qu'un enfant
écrit, il y a du génie ici", écrit-il
alors. "J'ai édité ces poèmes
parce qu'ils m'ont touché par une façon
que, forcément, l'adulte a perdue, de dire les
choses tout simplement. Comme il était temps de
recenser la poésie féminine, ou nègre,
ou
, il est bon d'écouter l'enfance
quand l'enfant est poète. Je trouve en tous cas
dans L'Oiseau et le ciel une très subtile
maladresse qui va plus sûrement à l'être
que telle laborieuse démarche à la mode."
J'ai reçu comme un
cadeau précieux un des rares exemplaires du tirage
de tête du livre que m'offrit son père, le
poète Alfonso Jimenez, lors d'une visite amicale
à Genève à la fin de l'été
2009. À chaque fois qu'il m'est arrivé de
le faire lire, j'ai retrouvé la même réaction
d'émerveillement et d'étonnement : cette
façon d'aller droit au but sur les sujets les plus
graves surprend chez un enfant. On me demande de répéter
son âge. Un grand souffle de liberté agite
ces pages. Le jeune Frédéric recourt d'instinct
aux quatre éléments pour exprimer ses inquiétudes
et ses désirs : la terre (
"aujourd'hui
entre les mains de la pollution/la terre tombe, se fait
shooter"), l'eau (
"cette belle eau colorée
par le désastre"), le feu (
"s'il
s'éteint tout seul, c'est comme un vieux qui finit
sa vie"), et l'air naturellement : "Je me demande
si sauter de dix mille mètres et rester dans l'air
cinq minutes ça ne vaut pas la vie"...
(extrait de la préface de Philippe Lemaire)