Les Voleurs*****

William Burroughs
Collage de Benjamin Noël
© Benjamin Noël 2012

Quittez votre table de travail et entrez dans les musées, les bibliothèques, les monuments, les salles de concert, les librairies, les studios d'enregistrement et de cinéma du monde entier. Tout appartient au Voleur inspiré et sacré - tous les artistes de l'histoire, des peintres des cavernes à Picasso, tous les poètes et les écrivains, les musiciens et les architectes Lui offrent leurs marchandises, L'importunent comme des camelots. Ils Le supplient, enfermés qu'ils sont dans les cerveaux enquiquinés des écoliers, dans les prisons de la vénération béate, dans les musées morts et les archives poussiéreuses. Des sculptures tendent leurs bras de calcaire pour recevoir la transfusion vivante de la chair alors que leurs membres disjoints sont greffés sur M. Amérique. Mais le Voleur n'est pas pressé*****. Il doit s'assurer d'abord que la marchandise est de qualité et qu'elle convient bien à ses projets avant de lui accorder la bénédiction et l'honneur suprême de son vol. Les mots, les couleurs, la lumière, les sons, la pierre, le bois, le bronze appartiennent à l'artiste vivant. Ils appartiennent à tous ceux qui peuvent les utiliser. Pillez le Louvre ! À bas l'originalité*****, à bas l'ego stérile et péremptoire qui emprisonne en même temps qu'il crée. En haut le vol***** - pur, cynique, intégral. Nous n'avons de comptes à rendre à personne.
Pillez tout ce que vous voyez.

William S. Burroughs
Traduit de l'anglais (américain) par
Lucien Suel
La NRM  n°31 - Janvier 2013
***** En français dans le texte
  • À la fin des années 70, William Burroughs tenait dans le magazine américain Crawdaddy une rubrique intitulée TIME OF THE ASSASSINS. " Les Voleurs " est extrait d'une de ces chroniques, publiée en 1977 et traduite par Lucien Suel dans la revue The Starscrewer en 1978. Version intégrale du texte sur SILO, blog des miscellanées littéraires de Lucien Suel. PL

 


Retour au sommaire.