Le dessin automatique

       Je suis avec Marie Noël dans une très grande salle où se tient une brocante ou une exposition. Il y a beaucoup de monde, mais peu de personnes s'arrêtent devant notre stand, qui est assez mal éclairé. Par désœuvrement, avec le plat d'un crayon, je commence à tracer des formes abstraites sur un cahier de dessin. J'en ai déjà rempli plusieurs pages et entame une nouvelle page. Soudain, comme si mon crayon était devenu indépendant de l'action consciente de ma main, la forme d'un œil puis d'une tête surgit sur le papier. Le crayon dessine la forme du deuxième œil. C'est le visage d'un homme chauve qui apparaît devant moi. Je suis si étonné que je montre à Marie ce dessin étonnant et si étrange. Marie partage mon étonnement.
       À ce moment, un homme se présente devant notre stand. Il s'avance si près que son visage reste dans l'ombre car la lumière est derrière lui, mais je le reconnais aussitôt : c'est celui que je viens de dessiner ! C'est saisissant. Ne croyant pas mes yeux, je fais la seule chose qui semble possible dans ces circonstances : je montre le dessin à l'homme qui vient de surgir. Il prend le carnet de dessin dans ses mains, regarde intensément l'image et se reconnaît immédiatement. Il ne comprend pas d'où vient ce portrait. Il ne veut pas croire que je l'ai dessiné d'imagination, dans un geste automatique, quelques secondes avant qu'il se présente devant nous. Marie confirme qu'elle m'a vu faire.
       Nous-mêmes sidérés par ce qui vient de se passer, nous sommes face à un bloc d'incompréhension. Le rêve s'évanouit sur cette énigme.

       Au réveil, le rêve met quelques secondes à me revenir. J'ai le sentiment que je viens de rêver de quelque chose d'important. Ce visage étrange, cet homme qui surgit devant moi, peut-être n'est-ce que mon reflet dans le miroir des rêves ?

 

Philippe Lemaire
Samedi 7 février 2015 (Bruxelles)
La NRM  n°40 - Décembre 2019