Le collage... c'est d'abord les images

Le collage... c'est d'abord les images.
     J'ai besoin des images, je les aime, elles me donnent du plaisir, elles nourrissent mon imaginaire. Les images me fascinent.
Dans la vie, on en trouve partout mais, pour moi, surtout dans les magazines. Ces imprimés voués au rebut, je les ai accumulés, je les ai entassés, ils sont une richesse gratuite.
     Face à cette accumulation, avec le temps, j'ai appris à sélectionner, à affiner mes choix afin de ne pas être envahi.
     On peut se perdre dans la profusion et je préfère maintenant disposer de peu afin de mieux m'y retrouver. Je ne fouille plus dans des archives, si profondes que je pouvais m'y perdre, mais travaille dorénavant en direct, avec ce que j'ai sous la main.
     Cette méthode me permet, me donne l'illusion peut être, d'associer plus spontanément les images entre elles.
     Il y a d'abord une première image puis, souvent sans savoir pourquoi, une deuxième. Sans être exclusives, elles me paraissent faites l'une pour l'autre, elles vont bien ensemble. Je ne cherche pas à l'expliquer, c'est une intuition.
     Le moment de la création, quand tout se passe bien, m'amène hors du temps, mes pensées deviennent floues, non intelligibles, comme des nuages qui passent dans le ciel et qui s'étirent, se compactent, se déforment au gré du vent.
     Ces nuages sont peuplés indistinctement de souvenirs, de personnes, d'idées, de sentiments... Je souris parfois quand un souvenir comique ressort du profond de ma mémoire pour une raison que j'ignore.
Je n'ai alors pas de recul par rapport à ce que je suis en train de faire. Je me laisse guider. Mes pensées me passent au dessus de la tête et une sorte d'inconscient agit sur mes yeux qui choisissent, sur mes mains qui découpent ou déchirent.
     Il s'opère dans ces moments précieux un va et vient entre les images que je parcours et ma pensée vagabonde.
     Je ne vois alors pas le temps passer.
     Quelque soit le type de collage, à plat ou en volume, il crée autour de mon plan de travail, toujours au sol en l'occurrence, un grand désordre. Des déchirures, des morceaux de bois, des bouts de carton jonchent l'espace de travail sans aucune gêne.
     Au contraire ce chaos protège, accentue la coupure et facilite le voyage introspectif. C'est un monde en lambeau que j'explore, avec plaisir. De ce chaos, de ce cadre en ruine, ressort alors ce qu'on appelle communément une œuvre, construite, semblant comporter une certaine logique.
     Par instant, le temps de laisser la colle agir ou pour prendre un recul visuel, je m'extrais de cet espace pour mieux voir ce qui se passe sans perdre mon état d'esprit. La pensée dérive toujours mais s'oriente davantage sur la chose qui naît sous mes yeux.
     C'est parfois le moment de peaufiner, de finaliser comme de changer radicalement de direction et de continuer ma route ailleurs en choisissant par exemple de fragmenter un collage à plat pour le monter en volume.
     Lors de ce temps de travail, sans doute en l'absence de grands enjeux, les choix ne sont jamais douloureux, ils se présentent en douceur, tout coule de source. C'est un espace de liberté, une liberté à laquelle je tiens infiniment.

Darnish
La NRM  n°40 - Décembre 2019

 

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