Les jours fléchissent

Longuement les jours fléchissent, courbent le pont. L'herbe supporte encore la candeur de l'horizon tandis que des hommes accélèrent leurs préparatifs pour mourir en douce, sans ameuter les foules excessives. L'évidence soutenue n'aboutit plus à la certitude inspirée, comme autrefois où le moindre geste se commentait par un haussement d'épaules, une écriture apocryphe sur une lettre d'amour. Ainsi s'en vont les couples sur le parvis pour enfin s'adosser dans l'ombre redevenue essentielle à leur condition. Souvent le destin non prévenu porte le nom du facteur, se lie aux armes fruitières et chacun y conçoit sa dernière aventure, celle qu'il partage avec la mort déjà en place au centre du verger. Des confins somnambules courent aux limites du chemin porter des fleurs crispées. Ils font signe à l'espace qui joue autour d'eux. Ainsi le début du siècle simplifie-t-il l'avenir. Un poète tombe dans la nuit qui le recueille puis jette son corps à l'oubli.