Gorgone en août

Elle, campée sur un canapé d'encre,
contemplait les rougeurs qu'une cru
avait en s'évanouissant
fait refleurir des cadavres d'un ancien plaisir.

La Lune guettait,
aussi rousse
qu'elle était blonde,
et déjà le jour s'immisçait
entre les bouleaux
qui serpentaient
tels des gardes du corps
à jamais enracinés
dans une terre d'or
nourrie des rondeurs
des têtes et des galets
témoignant de l'ardeur
de la vague passée.

Sous la Lune là-bas
le mâle aussi était là.
loin mais là,
las des fleurs,
des bas, des rats.

Le malin, lui, ondulait
telle une chevelure
qui lui ressemblerait,
toute de mèches
et de serpents mêlés.

A peine le rouge des tulipes avait-il jailli
que déjà à la fille il redonnait presque vie
se trouvant par moitié
tout comme dissimulé
à moins que ce corail qui épice ainsi les lèvres
à l'image des corolles qui saillissent ces cadavres
ne nous rappelle comme
aurait pu hier le faire
Delvaux
que la vie n'est ni chair
ni peau.

Sans ce mouvement
qui manque à l'instant,
immobilisés tout autant
par la peur panique du serpent
que par la raideur de cette page,
corps figés dans l'image,
elle grande et lui petit,
regardent sans envie
un fleuve de morts
qui s'oublient
encore, encore,
et encore.

 

 Géraldine Serbourdin
La Nouvelle Revue Moderne  n°2 - Juin 2002
La Nouvelle Revue Moderne  n°35 - Décembre 2014

 
 

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