1er juin 2004   

3ème année - n°9

 

 
n°2

Il est bien difficile, après l’avoir entrouverte, de refermer la porte des bibliothèques imaginaires. On y trouve à foison des ouvrages étonnants sur les rayonnages, les présentoirs, et même dans les sacoches des visiteurs. Aucun d’entre eux n’a voulu repartir sans réserver aux lecteurs de la Nouvelle Revue Moderne un compte-rendu de sa visite. Certains de ces textes pourront sembler étranges. Il y est question d’apparition dans une bibliothèque de livres qui n’y sont jamais entrés, de titres annoncés et jamais parus, de livres inventés, de lectures interdites, de sortilèges inscrits dans certaines pages, de livres gravés dans la pierre ou dans l’os… et ce ne sont que quelques exemples des bizarreries que vous trouverez dans ce numéro, où l’on assiste même à une improbable rencontre entre Descartes et Bluet D’Arbères !

C’est que les bibliothèques imaginaires ne ressemblent pas tout à fait aux bibliothèques habituelles. On peut rarement affirmer avec une complète certitude si les livres qui s’y trouvent existent ou n’existent pas, et encore moins jurer qu’ils n’existeront jamais. « L’univers des livres imaginaires n’est pas séparé de l’autre par la grossièreté d’une frontière. Entre eux, le passage est osmotique et perfide… » rappelions-nous dans le précédent numéro, en citant le toujours pertinent Organographes du Cymbalum pataphysicum.

A ce constat troublant, il faut ajouter que les lecteurs ont ici bien plus d’importance que les auteurs, et définitivement beaucoup plus que les livres. Le témoignage de Jean-Louis Jacquier-Roux est tout à fait éclairant sur ce point. De son côté, Ménaché nous met en garde : « Les bibliothèques éclatent comme l’orage. Certaines explosent… » Le titre de son texte a d’ailleurs été victime d’un petit accident : lors de la mise en page, échappant à tout contrôle, les caractères ont fait la pirouette ! Pour le lire, il vous faudra présenter la revue, ouverte à la page 34, face à un miroir. Profitez de l’occasion pour passer vous aussi de l’autre côté, et faire une petite visite dans l’univers des bibliothèques imaginaires. Les auteurs qui vous serviront de guides ne manqueront pas de vous avertir que les premiers pas sont incertains, car on manque de repères. Mais il suffit de s’avancer un peu entre les rangées de livres imaginaires pour atteindre des cabinets secrets où l’on peut apercevoir, en regardant par le trou de la serrure, des lutins et des fées qui s’activent inlassablement pour transformer le monde en livres.

PHILIPPE LEMAIRE