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S
i on me demande ce qu'est la poésie,  je réponds que
personne ne sait tout à fait ce que c'est puisque chaque poète
la définit à sa guise mais qu'on la reconnaît quand on la rencontre.

  Je dis encore :

  • que la poésie c'est un peu comme la Blédine, on l'aime longtemps avant de pouvoir en parler ;
  • que la poésie c'est certainement mon cousin Anicet puisque sa mèredit toujours de lui :  
    "C'est un poème !" en prenant le ciel à témoin et sa tête entre ses mains.

Si on me demande ce qu'est un poète, je réponds:

  • qu'un poète c'est quelqu'un qui ne passe jamais à la télévision parce qu'il
    n'est pas connu et que, s'il n'est pas connu, c'est parce qu'il ne passe jamais
    à la télévision.
  • que c'est également quelqu'un qui se lève la nuit pour un besoin d'urgence
    où on a aussi besoin de papier, pour se mettre à compter ses pieds sur ces
    doigts et sur ses mêmes doigts ceux qui les lisent.

Si on me demande si la poésie est utile, je réponds :

  • que je conclurai à l'utilité du poète le jour où je verrai son porteplume
    détourner une bombe, mais que je pense toutefois que rien ne l'empêche
    de repousser la merde, puisque c'est un poète anglais qui a inventé la
    chasse d'eau ;
  • que, d'autre part, Baudelaire me fait sourire quand il affirme qu'il peut se
    passer de manger pendant plusieurs jours, mais qu'il ne pourrrait vivre un
    jour sans poésie. Je pense, moi, qu'entre un bol de riz et un livre de
    poèmes, il faut d'abord dévorer le bol de riz mais, qu'à partir de ce
    moment, le livre de poésie a alors autant d'importance que le bol de riz.
Si on me demande qui peut être poète, je réponds
n'importe qui puisque je suis n'importe qui. Je remarque
d'ailleurs qu'il n'existe pas d'école pour apprendre à être
poète. Nous pouvons donc tous l'être. Beaucoup le sont
sans le savoir.

Et puis, à travers tout ce que je viens de dire, vous constaterez :

  • comme Voltaire, " que tous les genres sont bons sauf le genre ennuyeux" ;
  • que la poésie ne doit donc pas être austère, constipée, compliquée, m'as-
    tu-vue, snobinarde, sorbonnarde ;
  • qu'elle doit être décontractée, heureuse de vivre et, suivant les bons
    principes de 89,
    LIBRE,

          EGALITAIRE  

                          ET

                   FRATERNELLE.

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Jean L'Anselme
Vive la poésie
NRM  Hors-série n°2 - déc. 2002

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