Je suis triplement
ponté.
Je lis "Trois pontes" de Jacques Jouet, alias JJ, d'après
"Trois contes".
Je décroche le téléphone : ma tante Simone
est morte, dont la vie normande, le deuil du fils, la foi terrienne
perpétuaient la Félicité de Flaubert.
Je me souviens, seul invité d'un repas en semaine chez elle,
du pain béni à la pointe du couteau.
Je marche sur le
trottoir d'Hellemmes, banlieue commode, salon funéraire non
loin du café tabac.
Je dépasse à mi-distance des deux établissements
un homme allongé que massent chacun son tour des pompiers
exténués.
Je vois des jambes inertes, mollets bleus sous l'ourlet du pantalon.
Je croise quelques mètres plus loin une gamine tout en noir
qui sautille, 10 ans peut-être, longs cheveux blonds : serre-tête,
chemisier, jupe, chaussettes - un autre deuil, entamé celui-là
- et même accoutrement la petite sur et la mère
qui suivent.
Je rattrape presque
un jeune homme à casquette, père ou oncle à
la vingtaine, un couffin tout neuf encore emballé à
la main, et il me manque de le rejoindre tout à fait avant
la bouche de métro, lui dire la gloire à naître.
Je revois le fatal "Concours de circonstances", tableau
de Christian Zeimert dans un catalogue rétrospectif chez
JJ.
Je réponds une seconde fois au téléphone aujourd'hui
; qui ? JJ.
Je médite
aux coïncidences, qui d'ordinaire étonnent, en objectant
que la vigilance poétique en action décèle
tant de détails (sensitifs, mnésiques, lexicaux, numériques...)
que l'étonnant serait de n'y point trouver de coïncidences.
J'entends JJ, guilleret et surtout pas superstitieux, répondre
néanmoins "Ne sors plus aujourd'hui !", eh
bien d'accord.
J'écris et relis en comptant, sans préméditation
voici le quatorzième vers libre d'un sonnet achevé.
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