Souvent en
silence j'ai pleuré. En dedans.
Souvent j'ai
rêvé toutes les larmes de mon corps.
Souvent mes
larmes ont mouillé mes mots et mes nuits.
Souvent
à la dérive mes mots m'ont déportée.
Souvent
sans pouvoir parler, avaler, avancer, me lever, en nuits
bleues j'ai découpé ma vie.
Striée.
Stations.
Stances. Stop. Saturée.
Souvent
sans lien seul bleu nuit lettre morte mer chassée
astre point blanc ciel hommes embarqués dérivée
Les matins
m'attendaient mais la nuit me retenait, despote, âme
inarticulée, la peur au ventre, paralysée,
les jours étaient trop hauts, tours jumelles prêtes
à tomber.
Rester
horizontale. Clouée.
Indépassable
angoisse peignant de bleu nuit le ciel diurne. Geignante
terre glabre.
Souvent
ne pas dire je, ne pas pouvoir, engloutie.
Ne pas
voir les hommes, ne pas vouloir être sauvée,
déterrée, dénoyée, débleuie,
désirée.
Surtout
ne pas vouloir au risque de retomber. Surtout ne pas héler
l'homme au risque de l'aimer. Laisser les mots flotter,
frôler ses nuits, remplir son gilet, aléatoire
pêche au coup.
Mortes
les sirènes, en miette les partitions ensorceleuses,
échevelé mon cri, étouffés
mes mots.
Bleu pétrole
de Baschung tient bon, lui. Trop fort. Trop blues.
«
Mon ange je t'ai trahi. Je t'ai laissé aimer d'autres
que moi
Mon ange je t'ai trahi »
Bleu nuit.
Je ne
suis pas là, pas au monde, pas pour vous, pas pour
vivre.
Bleu nuit.
Mon corps
est une phrase insensée éparse, inachevée
que seule la couleur entend et allonge.
Je vous
laisse quelques peaux de moi mortes et décousues,
pas assez pour en faire du sens, du profit.
Souvent
j'ai su que mes cendres seraient dispersées non
loin d'une barque tombeau habitée par des pêcheurs
qui ne m'ont jamais crue.
Souvent
j'ai su que mon corps n'était que papier mâché.
Mes larmes
bleues nuit seules étaient vraies.