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Il
est quinze heures. Après un apéritif long comme
la verge d'un âne en rut, la noce bat son plein. La langue
de Francis, le père du marié, est partout. Elle
va comme un torchon au cul d'une casserole dans laquelle des tagliatelles
ont séché. Et, rendu quelque peu euphorique et plus
vicelard que d'habitude à cause de l'alcool ingurgité,
son propriétaire la verrait bien humecter certaines parties
non visibles de la jeune mariée. Il vient se rasseoir à
la droite de sa bru, assise entre son mari et son beau-père.
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«
Comment trouves-tu l'ambiance, ma maintenant fille. - Formi-dable,
Daddynet. Vraiment formidable. Vous avez pensé à
tout. »
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Daddynet
est ce qu'elle a trouvé de mieux pour ne pas appeler
son beau-père « papa », qu'elle réserve
exclusivement à son géniteur, même si
celui-ci a accidentellement passé l'arme à
gauche un peu plus de trois ans auparavant.
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«
Je t'ai dit qu'après le mariage, tu pourrais me tutoyer.
- Laissez-moi un peu de temps pour m'habituer, Daddynet.
- Allez, Michelle, laisse-toi un peu aller ! Reprends du
vin ! Tu vas bientôt devoir ouvrir le bal ! Ce Côtes
de Blaye te donnera toute l'énergie nécessaire.
- Doucement, on est loin d'en avoir fini même si nous
partons à dix-sept heures pour l'aéroport.
Tu parles, qu'on est loin d'en avoir fini ! »
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Francis
remplit généreusement le verre de Michelle juste
avant que les employés du traiteur apportent le plat
de résistance : du faisan sauce grand veneur - en plus
d'être vicieux, Francis est aussi chasseur, l'un n'empêche
certainement pas l'autre - avec pommes de terre farcies, chicons
braisés et confiture d'airelles. Michelle n'aime pas
le gibier. Elle s'est pliée aux exigences de Francis
qui prend à sa charge la presque totalité des
frais du banquet. Tout en mangeant du bout de la fourchette,
elle se concentre sur la conversation qu'à sa gauche
son époux entretient avec sa mère à elle,
cherchant à éviter au maximum les regards de Francis.
Par deux fois, elle sent le pied de son beau-père venir
toucher le sien. Elle les ramène sous sa chaise. Heureusement
qu'un pied de table sépare leurs jambes, sans quoi elle
est certaine que le genou de l'allumé se ferait très
baladeur. Pour qui se prend-il, ce sanglier lubrique ? Il
ne sait pas que le droit de cuissage n'existe plus depuis des
siècles ? Vivement qu'on s'en aille avec Guillaume. Je
ne supporterai plus longtemps sa délicatesse de vase
de nuit et sa légèreté d'enclume pour Titan.
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«
Ta robe est magnifique, Michelle, lui susurre-t-il à l'oreille.
Ton bustier m'époustoufle ! Gros porc ! - Ne vous
emballez pas, Daddynet. Ce qu'il contient est exclusivement réservé
à Guillaume ! Mais quel gros porc ! Pire que ce que
j'imaginais ! - Oui, certainement, Michelle, je ne disais
pas ça pour ça. Juste pour te faire un compliment...
Je suppose que tu as prévu d'affriolants dessous pour plaire
à mon fils... Bon sang, mais il s'est gavé de
Viagra, c'est pas possible ! - Je doute que Guillaume tourne
une vidéo de nos ébats pour vous les faire découvrir,
ce n'est pas du tout son genre. - Ahahah ! Juste ! Guillaume ne
me ressemble pas énormément. Il tient plus de sa
mère. Plus réservé. Un peu... disons romantique
attardé. - C'est justement ce côté romantique
que j'adore chez lui. Rien à foutre des gros machos
à la bedaine farcie au saindoux et à la zigounette
aussi molasse qu'un Twix oublié en plein soleil. »
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Le
repas se termine. Les reliefs débarrassés, Francis
monte sur sa chaise et réclame l'attention des convives,
plus de cent cinquante.
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«
Mes chers amis, nous sommes réunis ce jour pour fêter
mon fils Guillaume et sa charmante épouse Michelle. »
Il baisse la tête, comme s'il réfléchissait,
pour plonger son regard pervers dans le corsage de la jeune femme.
« Nous sommes aussi ici pour nous amuser et, dans quelques
instants, l'adorable Michelle et mon Guillaume vont ouvrir le
bal ! Que la fête commence ! »
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Les
jeunes mariés gagnent l'espace de la salle réservé
à la danse. Le DJ de service lance le morceau choisi par
les époux, Le loup, la biche et le chevalier par
Henri Salvador, chanson plus connue sous le titre Une chanson
douce. Deux minutes et vingt-six secondes pendant lesquelles
Francis ne quitte pas des yeux l'épouse de son fils. Le
loup, c'est moi. La biche, c'est elle. Le chevalier, ce ne peut
pas être ce crétin de Guillaume. Je me demande vraiment
ce qu'elle a pu lui trouver... Je t'aurai, ma salope ! Si je fais
tout ça, si je dépense tout cet argent, ce n'est
pas pour lui, c'est pour toi ! Tu vas voir dans pas longtemps
!
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Après
le morceau d'ouverture, le DJ commence à mettre le feu
avec The Final Countdown de Europe. Michelle et Guillaume
ont mis les trémas sur les i avec lui : il est payé
pour passer les morceaux qu'ils ont choisis jusqu'au moment où
ils partiront pour leur voyage de noces. Michelle lui a remis
une clef USB avec une petite centaine de titres au format mp3,
à passer dans l'ordre. Largement de quoi faire. Il est
libre d'animer au micro s'il veut, mais pas question de faire
un écart. Une fois les mariés partis, il fera ce
qu'il voudra.
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Après
Europe, c'est Rebel Rebel de Bowie et Run Run Run
du Velvet. Au début du quatrième morceau - Communication
Breakdown de Led Zep - proposé par la sono qu'il paie
cher et vilain, Francis s'approche du DJ et lui crie dans l'oreille.
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«
C'est quoi, cette merde ? - C'est c'que vos enfants ont d'mandé.
Putain d'chevrotine ! C'est quoi c'truc ? Y vont m'fourguer
d'la musique de sauvages toute la soirée ? - Y a pas
de slows ? Pas d'farandoles ? - Si, vous tracassez pas, ça
vient. Après, on a une farandole et deux slows. »
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Led
Zeppelin termine la tête haute et, tête basse, La
danse des canards démarre. Francis essaie d'attraper
Michelle, qui refuse son bras prétextant un besoin urgent.
Le beaup' accroche la première jeunesse à sa portée
et commence à se dandiner comme un malade sur la musique
la plus stupide de la seconde moitié du XXe siècle.
Chaque fois qu'ils s'accroupissent comme des imbéciles,
ses yeux sont dardés sur les cuisses de sa partenaire mais
sa jupe est trop longue, rien à voir. Puis vient le Grand
Jojo et ses rengaines. Les amateurs de farandoles forment un cercle
et tournent, les mains aux épaules, aux hanches, voire
aux fesses pour Francis, de la personne placée devant eux.
Francis entre directement dans le cercle dès qu'il s'est
refermé et cherche Michelle. Elle n'est pas dans la ronde.
Il va chercher une jeune cousine, l'installe sur son genou et
lui fait trois bises. Il recommence avec trois autres jeunes femmes
avant de réintégrer le cercle, qu'il ne quitte plus,
à son grand dam, jusqu'à la fin du divertissement
pour éméchés en bringue et saoulotes en attente.
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Aux
premières mesures de I'm Not in Love, le chasseur
en manque de gibier se précipite vers Michelle qui a enfin
regagné sa place. Il ne l'invite pas, il la tire sur la
piste et se colle à elle. Bon sang ! Heureusement qu'il
y a cette grosse bedaine sans quoi je me ferais pénétrer
en public !
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«
Ton parfum te sied à ravir, Michelle ! - Merci, Daddynet.
Quel imbécile ! Je ne me suis même pas parfumée
! - Ça me fait tout chose de danser avec toi. Et
tu ne perds rien pour attendre ! - Ne serrez pas si fort,
s'il vous plaît. »
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La
série continue avec Killing Me Softly with His Song.
Pour Francis, il est temps de sortir le grand jeu.
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«
Michelle, j'ai une très belle surprise pour toi. - Quoi
donc ? - Je ne peux pas te le dire, il faut que tu voies par toi-même,
ma jolie... - Et je pourrai la voir quand ? - Après ce
morceau si tu veux. La surprise est dans l'une de mes camionnettes
au bout du parking. Tu t'éclipses discrètement deux
minutes après moi et je te montre ça. Tu ne le regretteras
pas, ma toute belle... Ne dis surtout rien à Guillaume,
il verra après. Ça marche comme prévu
! - D'accord. »
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Le
morceau terminé, l'ambiance redémarre avec Somebody
Got Murdered de Clash. Francis et Michelle sortent l'un après
l'autre en catimini. La bru retrouve son beaup' au fond du parking
où est garée l'une des nombreuses camionnettes de
son entreprise de peinture. Il ouvre l'une des portières
arrière.
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«
Regarde !... Qu'en penses-tu ? - Qu'est-ce que c'est ? - Monte,
tu te rendras mieux compte... Salope ! »
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Michelle
remonte le bas de sa robe de mariée pour poser un pied
sur le plancher assez haut du véhicule et révèle
une jambe fine et lisse gainée de soie blanche. Francis
la pousse au derrière, la rejoint et referme la porte,
les plongeant dans l'obscurité. Il fait jouer un commutateur.
Dans la lumière tamisée, Michelle découvre
un lit, un fauteuil, un coin toilette et un petit bar.
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«
Je ne comprends pas, Daddynet... Guillaume avait raison.
- C'est mon hôtel de passe personnel, Michelle. Tu vois,
ma belle, Marceline et moi, ce n'est plus le grand amour, du moins
pour la... pour les choses du sexe. Avec cette camionnette, c'est
ni vu ni connu : j'emmène qui je veux où je veux
! - Et c'est ça ma surprise ? - Non ! La surprise, c'est
que je t'offrirai deux cents euros chaque fois que tu viendras
y passer un moment avec moi... Sa lubricité dépasse
mon imagination ! - Mais... - Allez ! Deux cents euros ! Là,
tout de suite si tu veux, pour une petite gâterie ! Ça
arrondirait pas mal tes fins de mois, non ? - Vous avez l'argent
? Salope ! Et vénale ! Comme je les aime ! »
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Le
vicieux sort son portefeuille et en extrait deux billets de cent.
Michelle les prend.
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«
Voilà, ma toute belle ! C'est pas plus compliqué
que ça ! Maintenant, tu vas me pomper ! Enlève
ta robe pour ne pas la salir. Je n'aurais pas cru que ce serait
aussi facile. »
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Francis
se laisse tomber dans le fauteuil et déballe sa marchandise
en regardant sa belle-fille se dévêtir. Elle dépose
sa robe sur le valet de nuit - Francis a tout prévu - enlève
ses chaussures, ses bas, son soutien-gorge et son slip et déplace
le tout à l'autre bout de la « chambre », contre
la double porte.
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«
La totale, ma salope ! C'est bien, ça ! Pauvre conne.
- Je ne tiens absolument pas à me salir, Daddynet. Pauvre
con ! »
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Entièrement
nue, elle farfouille dans les replis de sa robe. Sa main réapparaît
tenant un rasoir de type coupe-choux qu'elle ouvre d'une secousse
du poignet. En deux secondes, d'écarlate qu'il était,
Francis devient aussi blanc qu'un carré de Malevitch sur
fond du même.
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«
Que... - La ferme, Daddynet ! Un mot et je t'égorge tout
de suite sans que tu en saches la raison ! »
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Elle
se place devant le satyre tétanisé dont la verge
s'est ratatinée comme un morceau de plastique jeté
dans les flammes. Elle pose la lame du rasoir sur le semblant
d'appendice qui pendouille lamentablement entre les cuisses de
l'érotomane.
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«
Je ne te fais plus d'effet, dirait-on. Tais-toi ! Réponds
avec la tête uniquement. Marc Monteleur, ça te dit
quelque chose ? Non... Tu es certain ?... Fouille bien dans ta
répugnante cervelle de fourreur de chattes... Rien... Ça
ne m'étonne pas de toi, pauvre ordure ! Tu n'étais
même pas présent au procès, tu t'étais
fait représenter par ton avocat. Tu n'as même pas
réagi tout à l'heure quand le bourgmestre a demandé
si Michelle Monteleur acceptait et cetera. Marc Monteleur était
mon père, tué dans un accident de chasse il y a
un peu plus de trois ans. C'était toi qui tenais le fusil.
Et le juge a prononcé un non-lieu ! Pigé, saleté
?... On avait pourtant essayé de te prévenir avec
la musique mais tu es vraiment trop nul, empaffé ! »
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Très
vite, elle passe derrière le chasseur assassin, l'attrape
par les cheveux, lui tire la tête en arrière et l'égorge
d'un seul coup de rasoir. Puis elle lui coupe le sexe et les testicules
et les lui fourre dans la plaie.
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Un
quart d'heure plus tard, Michelle retrouve Guillaume dans la salle
de réception où les invités se trémoussent
sur The Road to Hell (part 2). Un peu en avance sur
le programme. Elle lui annonce à l'oreille que tout
s'est bien passé. Ils continuent à s'amuser jusque
dix-sept heures. Personne ne semble s'inquiéter de l'absence
du père du marié. Les jeunes femmes en seraient
plutôt soulagées. Le moment venu, Michelle et Guillaume
saluent leurs invités par micro interposé et partent
vers l'aéroport. Ils ne s'envolent pas, comme annoncé,
trois jours à Venise mais pour l'Amérique centrale.
Ils ont la ferme intention de ne jamais revenir au pays.
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