Voici pourquoi je pratique le réseau mondial d'art postal.
Par Baudhuin Simon



"Venez jusqu'au bord"
   
"Nous ne pouvons pas, nous avons peur"
"Venez jusqu'au bord"
 
"Nous ne pouvons pas, nous allons tomber"
"Venez jusqu'au bord"
 
Et ils y sont allés
Et il les a poussés
 
Et ils se sont envolés.
  Guillaume Apollinaire.
 
Parce qu'on y échange des graines. Parce que c'est un jeu non conformiste divertissant, libre, sans obligation, qui fait plaisir. Parce que cette pratique en réseau de création est le plus sain que je connaisse vu qu'il a une éthique : pas de vente, ni d'achat, ni de hiérarchie, ni sélection-exclusion. Parce qu'il n'y a pas de règlement à respecter, à part les règlements postaux avec lesquels nous flirtons. Parce que j'ai toujours été fasciné par l'union postale universelle, la poste et son service public, le facteur, la boîte à lettres. Timbré je suis. Parce qu'il n'y a qu'une règle librement choisie ou acceptée : l'échange /troc postal gratuit non marchand. Parce que le réseau d'art postal, lui au moins, évite la galerie d'art et ses sangsues : rien à voir avec l'art-commerce, l'argent est absent, il n'y a pas de participation à payer, pas de carte de membre payante, la vente on s'en tamponne. Parce que l'art pour tous et toutes, l'art populaire, démocratique ce n'est pas l'art élitiste : l'arTistocratie non merci. L'art postal n'a pas de prix, ici l'art n'est pas une marchandise : communication, contact, fraternité ne sont pas à vendre ; nous sommes dans le cadeau-présent. Salsa = Mélange...Mailart =Salsa. Le grand nombre de techniques de création utilisées dans ce réseau donnent une richesse créative exceptionnelle. Parce que j'ai besoin de faire voyager mes gravures, dessins, planches de timbres, photos, collages, textes. Parce que j'ai des idées et des créations à lancer, mon animal-frère voyage sous le sigle-virus "PigMailArt" depuis 1985. Mon végétarisme s'ouvre. Mes sus scrofa doivent voler. Panem, circenses, cochonum. Dans un zoo, dans une "fête", les animaux ne s'offrent pas aux regards. Ce sont des hommes qui offrent des animaux aux regards d'autres humains. Des humains dégénérés offrent aux regards pour de l'argent des animaux qui n'ont rien à faire là, qui n'ont pas choisi d'être là, qui ne désirent pas y rester. Et même si deux phacochères font un petit bruit dans un zoo ou un cirque... Vae victis. Mon "encyclopédie porcine" s'engraisse et même s'engrosse de contributions diverses. La chasse...mais aux images. Les très riches symboliques propres aux porcins me servent singulièrement.

Parce que dans le "Mail Art Network" il n'y a ni sélection, ni jury, ni professeur, ni compétition, ni concours, ni vaincu, ni rival, c'est une pratique de paix.
Il n'y a ni retour-renvoi des oeuvres, ni professionnels, ni cotations. L'art postal en vaut la peine et surtout il en vaut la joie, il est multicolore comme nos visages, nos idées, nos résistances, comme la nature ; il est notre art de vivre, il m'ouvre à d'autres langues. Parce qu'il va à l'encontre de l'individualisme-arrivisme qui gangrène la société, de l'individualisme produit par le système économique : faire du fric, au mépris de toute autre valeur. Parce que c'est une pratique collective, une bonne claque fraternelle dans le dos, un rituel amical. J'aime la communication (graphique et autre), la correspondance, l'information directe sans intermédiaire, brute. Ce réseau fonctionne sur le principe des vases communicants, à la fois fragile et costaud. Parce que c'est une synergie entre citoyens de partout, c'est un mouvement ouvert sur le monde, international, lié à la création, au libre échange, à l'offrande, à la confiance ; cela fonctionne sur le principe de la connexion alternative, sur le principe des réseaux extensibles. Il aide à se libérer créativement, il est truffé de désobéissances. Je suis dans l'échappée parce que le principe d'insoumission y est bien vivant. Beaucoup d'entre nous sont pour une autre mondialisation, pour un nouvel internationalisme à la place de l'ordre mondial, de l'idéologie néo-libérale, de la pensée unique, de l'organisation mondiale du commerce. Mon menu est une ratatouille végétarienne faite de résistances costaudes et, à long terme, liées à de petites luttes locales, au jour le jour, pimentées de grandes utopies planétaires. Parce que je ne souhaite pas platement, moutonnement, consommer : seul l'art postal en réseau permet à la fois :

1) De produire donc créer
2) De poster donc distribuer
3) D'acquérir - merci facteur
4) D'exposer pour conserver- collectionner- archiver.

Parce que l'art postal peut briser murs, tabous, censures, frontières, il peut créer de l'ironie, de la rupture, du social, du fou, du satirique, du poétique, de la dérision, de la résistance. Il y a malmonde comme il y a malbouffe. Ce réseau me permet aussi de faire face au cynisme égoïste insupportable des pays riches avec son "Tout économique-Tout profit" : il est possible de créer, penser, consommer, vivre autrement ; les droits humains, ça existe. Ce réseau nous invite à d'autres lendemains. Parce que ce réseau, créé en 1962, bouge et se renouvelle, il s'adapte aussi aux moyens techniques, il évolue tout en conservant sa philosophie, bien ancré sur ses bases datant du mouvement DADA au début du siècle passé. Je fais partie de mouvements dans ce mouvement artistique et de communication, à savoir l'"international mail art council of virtual lands", le "mouvement Boa", demandez le magazine "RNG" c'est gratuit, c'est en français.
En art postal, être curateur c'est prendre soin, assister, parrainer, conseiller de la demande jusqu'à l'exposition, jusqu'à l'expédition de la liste des participants, du catalogue. Etre curateur, c'est être garant pour la personne ou l'institution qui lance le projet et aussi, d'autre part pour le réseau, sa philosophie, son éthique. Voilà pourquoi j'ai été curateur d'une vingtaine de projets - demandes - invitations-événements : enveloppe, sacré coeur, boa, griffe, timbre d'artiste, cochon, "hommage à Ackim", billet de banque d'artiste, sanglier, pèlerinage, crable, libération animale, rossignol, "Tout ce que l'on jette peut servir à créer", "l'Etre idéal est un ange dévasté par l'amour", "la fourmi-l'infini de la petitesse", "projet d'art postal sur l'art postal", sorcières, entr'autre culture... Humour quand tu nous tiens. Entr'autre périple. Défrustrez-vous, correspondez, correspondansez, postez. Merci pour vos participations actives ; ne coupons pas le contact.

                 


Baudhuin Simon
Ange tutélaire
Pig Mail dada Art 71 rue d'Hoffschmidt
B6720 Habay la neuve.


 

Texte publié dans le catalogue de l'exposition " Anges dévastés".
Dessins & gravures de Baudhuin Simon sauf "Good bye Pig Dada" (image ci-dessus, par
FWK) et
"Love the pig in me" (image ci-dessous, par
Ingrid Van Kogelenberg).

La NRM n° 26- Printemps 2010