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Animals steps
La
danse des animaux
dans la musique noire américaine
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Didier
Morel
Professeur honoraire des
Sciences Expérimentales du Comportement Appliqué
Université Disjonctale de la Côte
Opaline
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Je
tiens à remercier vivement Madame Pascale Rougé-Roedts,
professeur émérite de littérature à l'Université
de la Côte d'Opale, de me recevoir en ce lieu. Je compte sur elle
pour appuyer mon dossier auprès des instances supérieures
mais néanmoins compétentes pour la demande d'ouverture
d'une chaire des Sciences Expérimentales du Comportement Appliqué.
Ce qui nous réunit ici, c'est la danse. Je me propose d'étudier
ici et maintenant la danse dans tous ses états comportementaux
et, plus particulière-ment, de ses rapports avec la gent animale
chez les noirs américains. Il y aura beaucoup à voir,
et même à entendre, avec le jazz et les autres musiques
négro-américaines : le blues, le rhythm and blues et la
soul music. C'est pourquoi j'ai intitulé mon intervention : "La
danse des animaux dans la musique noire américaine". Je
précise tout de suite qu'il n'existe aucun compositeur noir américain
qui aurait créé une suite au Carnaval des animaux de Camille
Saint-Saëns.
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Mais
je voudrais d'abord poser quelques bases sur la danse. De quoi
l'homme a-t'il besoin pour danser ? De deux pieds ! D'habitude,
un plaisantin, au fond de la salle, lance cette répartie
: "On m'a toujours dit que je dansais comme un pied !"
Je saisis au bond cette plaisanterie qui n'est pas aussi saugrenue
que cela. Que se passe t-il donc si je me tiens sur un pied
? Au bout d'un moment, je fatigue... et je perds l'équilibre.
Donc, il nous faut bien deux pieds... pour danser. Si j'esquisse
quelques pas de danse et que l'on me filmait, que verrait-on
si on passait tous mes mouvements au ralenti ? En décomposant
tous ces mouvements, on s'apercevrait qu'ils sont une suite
de moments d'équilibre et de déséquilibre.
Pour peu que le danseur s'entraîne, il se dégage
bientôt de lui un rythme et une harmonie qui contrôlent
ces équilibres et déséquilibres alternés.
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Certains
ou certaines parmi vous sont des fervents de la musique classique.
Soit ! Partons de là. Le terme de musique classique apparaît
à la fin du XVIe et surtout au XVIIIe siècle. Auparavant,
la musique savante occidentale était encore fortement teintée
de musique modale. Je laisse de côté la musique religieuse,
car la danse et la religion, tout au moins dans le monde chrétien,
n'ont guère fait bon ménage. On parle de musique modale
lorsque, pour monter une gamme d'un ton à celui du dessus,
on utilise une échelle donnée et presque immuable. C'est
comme un escalier avec des marches pour aller à l'étage
supérieur. Chez nous, c'est l'échelle avec do-ré-mi-fa-sol-la-si-do
qui l'a emporté : 7 marches ou 7 notes pour grimper. Mais ce
ne fut pas toujours le cas. Bien sûr, il existait plusieurs
échelles au sein d'une même musique. Lorsque l'on veut
chanter ou jouer une mélodie dans la musique modale, on choisit
une échelle, comme l'outil le mieux adapté, et l'on
ne s'en écarte pas, le temps de l'interprétation du
morceau. Plus on s'éloigne de l'occident et plus on se rapproche
de musiques modales qui semblent étrangères à
nos oreilles occidentales. C'est le cas de la musique arabe et encore
plus des musiques traditionnelles de l'Extrême-Orient. Il y
a plus encore. Dans certains pays, pour monter la gamme (l'échelle),
on peut utiliser plus de 7 marches (7 notes). Certaines échelles
modales peuvent compter jusqu'à 30, voire 40 marches. Les marches
de l'escalier musical se rapprochent de plus en plus : la hauteur
des marches, c'est à dire l'intervalle entre les notes, s'amenuise
de plus en plus. L'écart entre les notes est de plus en plus
faible. Certaines musiques traditionnelles modales ont des intervalles
de l'ordre du comma (alors que l'oreille occidentale ne perçoit
que la différence de quart de ton). Mais il y a encore plus.
Dans la musique indienne par exemple, on choisit le mode selon l'humeur
et le moment de la journée. Le raga du matin n'utilisera pas
le même mode que celui du soir. La multiplicité des échelles
dans la musique modale de certaines civilisations conduit à
une codification des pratiques qui restent impénétrables
pour nous. À moins d'être musicologue. C'est au XVIIe
siècle que nous basculons progressivement de la musique modale
à ce que nous pouvons appeler le clavier bien tempéré
selon l'intitulé de Jean-Sébastien Bach au XVIIIe. Bien
sûr, la gamme occidentale, parmi d'autres, existait déjà.
On montait cette échelle avec 7 notes. Mais c'est bien à
cette époque que l'on découvre les liens entre les notes
et surtout les passages d'une tonalité à une autre.
Évidemment, on devait savoir auparavant chanter ou jouer une
simple mélodie de la tonalité de do en celle de sol.
Mais le commun des mortels de l'époque le faisait instinctivement.
On ne savait guère transposer systématique-ment : de
la tonalité de do majeur à celle de si bémol
majeur, par exemple. Ce n'est qu'à partir de cette époque
que la musique savante occidentale systématise les relations
quasiment mathématiques entre les sons musicaux, une fois établi
le point de départ universel du diapason (le la). La transposition
d'une mélodie simple d'abord, puis plus complexe permet l'écriture
et la lecture horizontales (la ligne mélodique) et verticales
(le contrepoint et l'arrangement) de la musique. C'est le clavier
bien tempéré de Jean-Sébastien Bach. Plus besoin
de différentes échelles musicales pour nous. La musique
modale restera cantonnée dans certaines musiques traditionnelles
en Occident. Il est à noter que la forme de la suite chez Bach
forme un ensemble codifié (avec des transpositions) de vieilles
danses traditionnelles du Moyen-Age et de la Renaissance : allemande,
écossaise, gigue, gavotte, branle, etc.
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Nous
voilà revenus à la danse. Esquissons quelques pas pour
affermir nos bases.
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Restons
simple, pour analyser ces pas. On peut d'abord frapper le sol avec le
pied. Pas trop souvent, car alors nous tombons dans le flamenco. Continuons
: il y a le pas glissé, le pas sauté et le pas chassé
(le pas de course avant un saut). Ensuite, on peut compter ses pas à
droite, à gauche, devant et derrière soi. Si l'on ne se
retrouve pas dans ses pas, on pourra consulter ce site : fr.wikipedia.org/wiki/Pas_de_danse
Interviennent
aussi les mouvements des mains et de différentes parties du corps.
Enfin, on peut voir l'ensemble pour jouer collectif : figures en couple,
en ligne ou en ronde pour tracer symboliquement sur la piste de danse
des ensembles géométriques de groupes plus ou moins importants.
Si vous aimez ça, regardez donc les films de comédie musicale
de Busby Berkeley.
Mais avant d'atteindre ce niveau vertigineux,
il faut vous concentrer sur vos pas. J'ai le souvenir mi-drôle
et mi-cuisant d'un stage de préparation du BAFA pour devenir
moniteur de colonies de vacances. L'activité, cette-fois là,
était la répétition d'une danse écossaise
pour les spectacles en soirée. Il y avait des pas, évidemment,
mais aussi des figures en couple, en ligne et en ronde. Je n'arrivais
pas à retenir les pas - ce qui créait un décalage.
Bientôt, il arriva ce qui devait arriver. Je butais sur le danseur
de devant et le danseur de derrière me heurtait. Toute la cohérence
du groupe s'écroula comme un château de cartes.
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Syncope
et rythme
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On
pourrait croire que la syncope est un évanouissement
de la note en musique.
Mais le solfège
indique que c'est une note attaquée sur le temps faible
et prolongée sur le temps suivant. Bien sûr, la
syncope est déjà utilisée en musique classique.
Il faut attendre pourtant les musiciens noirs-américains
pour l'utiliser systématiquement ; pour une question
de rythme. Si l'on écoute les débuts de la musique
classique des États-Unis, on y trouve souvent une influence
occidentale. Mais je vous conseille d'écouter les uvres,
par exemple, du compositeur Louis Moreau Gottschalk (1829-1869)
qui sont une préfiguration de la musique syncopée
et du ragtime : sa composition Le banjo annonce Scott
Joplin.
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Compositeur et pianiste
américain né en Louisiane, Gottschalk est sensible
aux chansons créoles qu'il intègre rapidement
dans sa musique. Il est courant que les petits blancs de l'état,
à cette époque, aient une nourrice créole.
Dans sa composition pour piano Suis-moi (qui date de
1861), il y expose d'abord deux thèmes : une introduction
romantique foudroyante à la Franz Liszt et une chanson
créole. Ensuite, dans les variations, il jongle avec
les deux thèmes comme si chacun allait phagocyter l'autre.
Il est coutumier des acrobaties malignes puisque qu'il est capable
d'exposer l'hymne des Nordistes et des Sudistes de la Guerre
de Sécession, de jouer habilement avec les deux thèmes
et de renvoyer les adversaires à un combat musical. J'aime
à savoir que le musicien a passé une bonne partie
de cette guerre dans les trains, franchissant les lignes de
front, avec son piano à transporter. Son uvre musicale
(de 1848 à 1868) est bien fournie et s'ouvre, par ses
voyages, à l'influence latine qui fait face à
la Louisiane. Louis Moreau Gottschalk est un nom célèbre
au Brésil, par exemple. Venu en France vers 1852, il
fait sensation comme pianiste prodige et est considéré
comme l'égal de Frédéric Chopin et Franz
Listz.
Pas
et mouvements de danse
Pour
la bonne compréhension de ce qui va suivre, j'ouvre avec
un préambule de termes américains qui méritent
quelques explications.
Voyons d'abord les pas souvent
utilisés :
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Stomp
: pas frappé au sol, souvent sur rythme rapide.
Hop : pas sauté.
Jump : pas sauté.
Bounce : pas rebondi, rebond.
Leap : saut, bond.
Groove : pas qui raye ? Pas glissé ? Le terme vient
du verbe to groove = rayer
Drag : pas traînant. Le terme vient du verbe to drag
= traîner, traîner des pieds.
Shuffle : au début, pas avec frottement de pied,
marche traînante ; puis dédoublement de tempo (sur
un rythme rapide) comme l'a pratiqué le bluesman guitariste
T-Bone Walker.
Ensuite
les mouvements :
Crawl
: reptation. Le terme vient du verbe to crawl = ramper. Il a donné
la nage qui porte ce nom.
Strut : démarche orgueilleuse et affectée,
pas mesuré . Le terme vient du verbe to strut = se pavaner.
Wriggle : tortillement. Le terme vient du verbe = se tortiller.
Twist : tortillement. Le terme vient du verbe to twist
= se tordre, se tortiller.
Wobble : vacillement. Le terme vient du verbe to wobble
= tituber, vaciller.
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Enfin,
les danses : |
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One
step : "Danse de société, née
aux États-Unis, et fort en vogue en France après
la Première Guerre mondiale (1925-1930).
Le one-step est une marche, de rythme binaire (mesure à
deux temps). Comme sa signification l'indique, on fait un pas
sur chaque temps. La marche, soit en avant, soit en arrière,
chaque pied marquant alternativement la mesure, est faite un
peu au gré du cavalier ; les genoux fléchissent
légèrement et le corps se balance au rythme de
la danse. Le one-step connaît aussi des pas glissés
et le pas dit du tonneau. Le one-step est plutôt lent
; le paso doble espagnol est un one-step de tempo plus rapide.
A signaler qu'il existe un two-step, danse américaine
dérivée de la polka." Pierre-Paul Lacas.
Two
step : Danse qui se retrouve dans beaucoup de danses populaires.
Il semble qu'elle ait pris son nom par rapport à la polka.
Elle consiste en deux pas souvent dans la même direction
sur le même pied, séparés par un petit pas
sur l'autre pied. Ce petit pas rapproché peut se faire
dans la même direction, oblique ou croisé. On le
trouve dans le ragtime (fin XIXe ou début XXe siècle),
la country américaine avec souvent des figures d'ensemble
et dans la musique cajun.
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Cake
walk : "Danse en vogue dans la dernière décade
du XIXe siècle où les noirs s'amusaient à
singer les manières des blancs (courbettes, grands coups
de chapeau, etc). D'où l'origine de l'expression "taking
the cake" pour "remporter la palme", écrit
Jean-Paul Levet, dans son ouvrage Talkin' that talk, qui
est une sorte de lexique musical des musiciens noirs-américains.
Rag
: contraction de ragtime. Le terme devient rapidement une danse
dans le jazz de La Nouvelle Orléans. Transposé à
la guitare, il devient un style sous l'influence du blues acoustique
de la côte Est des États-Unis tel que le pratiquent
des bluesmen comme Blind Blake, Reverend Gary Davis ou Blind Boy
Fuller. Où croyez-vous que se sont inspirés Jorma
Kaukonen, guitariste de Hot Tuna et même Mark Knopfler,
guitariste de Dire Straits ?
Fox-trot
: Littéralement trot de renard. Danse des années
1910 dont l'origine remonte au negro-spiritual, one-step et ragtime.
On distingue d'abord le slow fox puis le quick fox-trot qui devint
le quick-step. Le tempo du slow fox est de 30 mesures (à
4 temps) par mesure. Il semble bien que ce sont les soldats américains
qui ont importé cette danse en Europe à la fin de
la première guerre mondiale. Elle précède
d'une décade le charleston que dansait Joséphine
Baker.
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Sur
les débuts de la musique américaine d'avant le jazz et
de la notion de rythme, on pourra consulter les sites :
- www.delabelleepoqueauxanneesfolles.com/Jazz%20avant.htm
[RÉFÉRENCE DISPARUE]
- www.offjazz.com/jz-hist-f.htm
[RÉFÉRENCE
DISPARUE]
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Les débuts
du jazz
Ne
comptez-pas sur moi pour faire ici un long exposé sur l'esclavage
aux Etats-Unis ; il y a des ouvrages et même des sites internet
sur le sujet. Les esclaves noirs des états du Sud se sont retrouvés
devant une langue, une culture, une religion et un système musical
qui leur étaient étrangers. Leurs instruments de percussion,
pouvant appeler à la révolte, leur furent interdits. Mais
leur culture musicale spécifique fut repérée par
les blancs.
Dès 1820, les Minstrel shows, sorte
de spectacle itinérant américain alternant saynètes,
chansons et danses de la vie quotidienne des esclaves, permettaient
à des artistes blancs qui se noircissaient le visage, de se moquer
"des nègres" jugés ignorants, paresseux et bons
enfants. Plusieurs décades plus tard, certains noirs vont réinvestir
ce spectacle. Il semble bien que ce soit dans les cérémonies
religieuses (catholiques ou protestantes) que les colons blancs aient
laissé le plus de permissivité aux esclaves. Les noirs
chantaient les cantiques, détournant parfois le sens de certains
dans leur espoir de liberté. Quelquefois, à la fin de
la cérémonie, on leur laissait la possibilité de
se retrouver entre eux pour une cérémonie qu'on peut considérer
comme l'ancêtre du "shuffle". Alignés à
la queue leu leu, la main sur l'épaule du voisin qui précède,
ils avancent en traînant le pas en chantant. On trouve encore
cette pratique dansante chez les groupes vocaux en Afrique du Sud.
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Après
la Guerre de Sécession (1861-1865) opposant les états
du Nord et du Sud pour déboucher sur l'abolition de l'esclavage
aux États-Unis (18 décembre 1865), certains noirs vont
commencer à émigrer vers le Nord pour essayer de trouver
du travail et un climat plus serein. D'autres, doués en musique,
vont rejoindre les rangs des musiciens blancs dans des spectacles itinérants
comme les medicine shows ou les premiers vaudevilles. Vers 1880 apparaît
le cake-walk, dans une certaine mesure la réponse noire au Minstrel
show des artistes blancs. Puis, c'est le ragtime dans les années
1890. Le terme rag signifie chiffon, guenille, haillon. Le ragtime est
une musique syncopée faite de lambeaux mis bout à bout.
C'est une musique savante, car écrite, tout au moins dans sa
version pianistique. Il semble bien que les noirs doués pour
la musique se soient retrouvée devant la musique de salon des
colons blancs : on y jouait au piano le répertoire romantique
de Frédéric Chopin, Robert Schumann ou Franz Liszt. Sur
la base de ce répertoire, c'est la syncope, le léger décalage
par rapport aux temps forts, qui fait la nuance. Des pianistes noirs
composent à cette époque : Scott Joplin, Joseph Lamb,
Luckey Robert, James Scott. Des pianistes blancs suivront le mouvement.
Pour vous mettre dans l'ambiance, regardez donc le film de Milos Forman
"Ragtime" (1981), adaptation du roman de E. L. Doctorow. Si
l'on examine les titres des compositions de ragtime, on s'aperçoit
qu'ils sont sous-titrés de rythme de danses de cette époque
: marche, cake-walk, one-step, etc. On connaît surtout l'école
pianistique, grâce au film "L'arnaque" (1973) de George
Roy Hill, où "The entertainer" (1902) de Scott Joplin
sert d'indicatif. Mais il y eut des ragtime joués en orchestre
et les morceaux noirs sont assez proches des musiques militaires des
orchestres blancs de l'époque : c'est le succès, par exemple,
d'un titre comme "Alexander Ragtime Band" composé en
1911 par Irving Berlin. La mode du ragtime va de 1896 à la fin
des années 1910. Le jazz prendra la suite avec la forme générique
spécifiquement noire qui a émergé : le blues.
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La
scène suivante se passe à la Nouvelle Orléans.
À la fin du XIXe siècle, la capitale de la Louisiane
est un port militaire important. Chaque semaine, des orchestres
militaires défilent. Les noirs récupèrent
une partie de ce répertoire, syncopant le rythme. Sur le
pas cadencé un peu raide des fanfares, ils déplacent
l'accentuation sur les temps faibles, inventant le swing. Comme
dans tout grand port, le quartier mal famé, Storyville,
est rempli de tavernes et bordels où l'on entend de la
musique à tous les étages. Il sera fermé
après 1917. C'est un bouillonnement musical dans la ville
d'où sortiront Buddy Bolden, l'Original Dixieland Jass
Band, King Oliver, Louis Armstrong, Kid Ory, Sidney Bechet, etc.
Les pas et mouvements de danse expliqués ci-dessus vont
servir de base pour former une bonne partie du répertoire
du jazz New Orleans, et les animaux ne sont pas loin pour entrer
dans la danse ! L'histoire du jazz peut continuer, même
si les rythmes anciens commencent à disparaître.
Le jazz swing des années 30 et 40 conserve le "stomp"
ou accélère le "shuflle".
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Des musiciens blancs
rejouent parfois les anciennes danses. Dans la country, certains
mettent une dose de swing : les pionniers du "western
swing" comme Milton Brown, Spade Cooley, Bob Wills. À
la fin des années 40 et au début des années
50, de jeunes "péquenauds" blancs, tels les
Demore Brothers, Merle Travis ou Tennessee Ernie Ford, mettent
du boogie-woogie dans leur "hillbilly", annonçant
l'émergence du rock and roll.
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La danse
des animaux
Dans
Talkin' that talk de Jean-Paul Levet, on peut lire cette définition
:
"Animal steps : littéralement
pas d'animaux. L'expression désigne le mode de danses animales
: Bunny hug, Buzzard lope, Camel walk, Chicken scratch, Crab step, Fish
walk, Grizzli bear, Horse trot, Kangaroo dip, Lame duck, Pigeonwing,
Turkey trot, etc., en vogue dans les années 1910." Je suppose
que vous voulez tout savoir sur l'étreinte du lapin, le pas de
course de la buse, la marche du chameau, le grattement ou dandinement
du poulet, le pas du crabe, la marche du poisson, la danse de l'ours,
le trot du cheval, la reptation de l'alligator; le tortillement de la
tortue, le plongeon du kangourou, le battement d'aile du pigeon, le
rock de l'aigle, le boitillement du canard, le saut de la grenouille,
etc. Alors, poussez vos meubles pour faire de la place dans le salon
et... en piste !
J'ai
compulsé avec plaisir les reprises de vieilles partitions dans
l'ouvrage "Ragtime rediscoveries : 64 works from the Golden Age
of Rag". Je laisse les notes de musique à Marie Groëtte
pour mieux examiner les couvertures naïves. Dans les scènes
avec les noirs, il y a souvent un animal, sauvage ou domestique, planqué
dans le dessin. Cela nous donne des titres savoureux comme "The
possum rag" (le rag de l'opossum).
Si vous aimez ce genre d'illustrations,
je vous conseille de consulter le site internet sur les partitions de
chansons, danses américaines et ragtime des années 1860-1910
: library.duke.edu/digitalcollections/hasm/browse
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Hyena stomp
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Les
références aux danses animalières sont
donc nombreuses dans la musique noire-américaine du début
du XXe siècle. On peut commencer par "Tiger Rag",
un standard du Jazz New Orleans. La première version
fut gravée par l'Original Dixieland Jass Band, orchestre
blanc qui eut l'honneur d'enregistrer le premier disque de jazz.
Mais peut-être préférerez-vous la version
vocale (1931) des Mills Brothers ? En ce qui me concerne, je
ne résiste pas au ricanement de hyène du compositeur,
pianiste, chanteur et chef d'orchestre Jelly Roll Morton dans
"Hyena stomp". Dans la partie discographique en fin
d'article, je vous propose une série de morceaux musicaux
(liste non exhaustive), de "Frog
legs rag" par James Scott (1906) à "Alligator
crawl" de Fats Waller (1934).
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La
danse des animaux se pratique aux États-Unis surtout
des années 1890 à la fin des années 30.
Elle réapparaît quelquefois par la suite, dans
les groupes doo-wop et le blues électrique des années
50, la soul music et parfois dans le rock. Ecoutez le "Turkey
hop" des Robins ou le "Frog hop" de Earl Hooker.
Souvenez-vous de Chuck Berry et de son célèbre
pas de canard ! Le réalisateur Wolfgang Reitherman
n'avait pas oublié la leçon lorsqu'il réalisa
le dessin animé "The jungle book" pour les
studios Disney en 1967. Je ne me souviens pas de l'ambiance
boogaloo et "danse des animaux" dans le recueil
de nouvelles écrit en 1894 par l'écrivain british
Rudyard Kipling, mais je l'ai lu il y a fort longtemps. Entretemps,
sa majesté le Jazz, comme le chante Claude Nougaro,
est passée par là avec ses mouvements swing.
Le réalisateur et surtout les créateurs de chansons
Terry, Richard Morton Sherman et Robert Bernard Sherman s'en
sont donnés à cur joie dans leur adaptation
cinématographique. Vous avez le choix. Vous pouvez
danser avec les singes macaques et King Louie : "I wanna
be like you" interprété par Louis Prima.
Celui-là même qui fit la version rock'n' roll
du standard "I'm just a gigolo" en 1956,
après une carrière bien remplie de chanteur
zazou. Vous pouvez faire la marche des éléphants
: "Colonel Hathie's march". Vous
pouvez chanter a-capella avec les vautours : "Thats'
what friends are for". Vous pouvez pratiquer la danse
hypnotique des sept voiles du serpent Kaa : "Trust in
me". Vous pouvez enfin suivre les pas de l'ours Baloo
: "Bare necessities". Attention, pour la bande originale
du film, vous avez le choix entre la version anglaise et celle
en français. Moi, je n'hésite pas une seconde.
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Walking
the dog
Je
ne peux terminer cet article sans rendre hommage à un artiste
majeur de la soul music de Memphis, Rufus Thomas. En effet, celui-ci
est obsédé par les animaux au point d'inventer des danses
qu'il est seul à savoir pratiquer. Jugez plutôt de l'uvre
! Dès 1951, il enregistre pour Sun, label mythique de rock
and roll, "No more doggin'around (ain't gonna be your dog)",
puis en 1953 "Bear ca", chanson en réponse au "Hound
dog" créé l'année précédente
par Big Mama Thornton. Il faut préciser que les termes d'animaux
sont souvent des insultes dans la langue américaine. Si l'on
veut une traduction équivalente en français, on peut
dire que ce fut une bataille musicale entre "batard !" et
"tigresse !" En 1963, il enregistre pour le label Stax "The
dog" et "Walking the dog", qui sera reprise l'année
suivante par les Rolling Stones. Suivent "Can your monkey do
the dog ?", "Chicken scratch", "Do the funky chicken",
le traditionnel "Old McDonald had a farm" où il se
livre à une imitation de ménagerie fermière,
"Do the funky penguin" et enfin "Do the funky bird".
Il faut voir Rufus Thomas dans "Wattstax" (1973) de Mel
Stuart, film sur le concert en 1972 de la firme Stax, en pleine période
de "black is beautifu". Dans les années 90, l'artiste
est passé plusieurs fois en concert en Belgique et mes espions
musicaux m'ont assuré qu'il avait une sacrée pêche
! Il nous a quittés en 2001. So long Rufus... J'espère
que, là-haut, tu danses le boogaloo avec tous tes animaux préférés
!
Evidemment,
cette communication, qui se voulait universitaire, n'a jamais pris
le chemin escompté. Je voulais en faire un symposium ; mais
aucun chercheur n'a suivi mes pas de danse. Je me console en écoutant
sur la plage de Berck "la rumba des cigales" des chanteurs
duettistes Patrice et Mario.
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BIBLIOGRAPHIE
- Dan Emmett and
the rise of early negro minstrelsy / Hans Nathan - University
of Oklahoma Press ; Norman, 1977. Une réédition
d'un ouvrage de 1962 sur le Minstrel show avec de vieilles gravures
sur la danse.
- Talkin' that talk / Jean-Paul Levet.- Soul Bag ; CLARB,
1986.
- Ragtime rediscoveries : 64 works from the Golden Age of Rag
/ selected by Trebor Jay Tichenor.- Dover Publications, 1979.
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DISCOGRAPHIE
La discographie suivante,
en deux parties, traite (1) des danses noires-américaines
et (2) des danses animales. Il s'agit le plus
souvent de titres musicaux, sauf indications. Je précise
la date de la première sortie commerciale des musiques
pour suivre l'évolution du thème. Je n'ai pas
voulu alourdir la liste en indiquant les références
discographiques. De toute façon, les morceaux suivants,
souvent très anciens, ont été moult fois
réédités en disques vinyle ou en CD. De
bons ouvrages discographiques ou des recherches sur internet
devraient pouvoir vous aider. Je me tiens néanmoins à
la disposition du lecteur qui voudrait retrouver les références
des albums.
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(1)
Danses noires américaines
- Classics of the Americas
: vol. 4, Louis Moreau Gottschalk. Un ensemble d'uvres
pour piano du compositeur Louisianais interprétées
par Georges Rabol. CD paru en 1991.
- Piano music / Louis Moreau Gottschalk. Album interprété
par Philip Martin. CD paru en 1993. Il y a en fait 6 volumes au
total par cet interprète.
- From cake-walk to ragtime, 1898-1916. Album anthologie de
cake-walks orchestraux en CD paru en 2007.
- Vintage ragtime classics 1898-1916. Album anthologie en CD
paru en 2010.
- Early syncopated dance music: cakewalks, two steps, trots and
glides. Album anthologie sorti en LP puis réédité
en CD en 1996.
- Best of Scott Joplin and rag classics / Max Morath. Une anthologie
de ragtime par un spécialiste du répertoire. CD
réédité en 2002.
- Original ragtime / Claude Bolling. Une anthologie de ragtime
interprétée par le pianiste et chef d'orchestre
français, parue en LP en 1966 et rééditée
sur CD en 2003.
- Dixie Jass Band one step / Original Dixieland Jass Band (1917).
- Chattanooga stomp / King Oliver (1923).
- New Orleans stomp / King Oliver (1923).
- King Porter stomp / Jelly Roll Morton (1926).
- Parlor Social stomp / Duke Ellington (1926).
- Black bottom stomp / Jelly Roll Morton (1926).
- Washington wobble / Duke Ellington (1927).
- Bogalusa strut / Sam Morgan's Jazz Band (1927).
- Clarinet wobble / Jimmy Dodds (1927).
- Chicago stomp down / Duke Ellington (1927).
- Jubilee stomp / Duke Ellington (1928).
- Bucktown stomp / Johnny Dodds (1928).
- Kansas City stomps / Jelly Roll Morton (1928).
- Lindberg hop / The Memphis Jug Band (1928).
- Indiana Avenue stomp / Montana Taylor (1929).
- Mahoganny Hall stomp / Louis Armstrong (1929).
- Astoria strut / Jones & Collins Astoria Hot Eight (1929).
- Valentine stomp / Fats Waller (1929).
- Stevedore stomp / Duke Ellington (1929).
- Saratoga drag / Luis Russel & His Orchestra (1930).
- Double check stomp / Duke Ellington (1930).
- Milton's stomp / Milton Brown (1934).
- Cajon stomp / The Sons of the Pioneers (1935).
- Stompy Jones / Barney Bigard (1936).
- Stompology / Lionel Hampton (1937).
- Casa Loma stomp / Casa Loma Orchestra (1937).
- Drum stomp / Lionel Hampton (1937).
- Saint-Louis stomp / Speckle Red (1938).
- Texas shuffle / Count Basie (1938).
- Panassié stomp / Count Basie (1938).
- King Porter stomp / Glenn Miller (1938).
- Shoe shiner's drag / Lionel Hampton (1938).
- Down home jump / Lionel Hampton (1938).
- Boogie woogie stomp / Albert Ammons (1939).
- Grand Terrace shuffle / Earl Hines & his Orchestra (1939)
- Holler stomp / Pete Johnson (1939).
- Cotton Club stomp / Duke Ellington (1940).
- Junior hop / Johnny Hodges & His Orchestra (1940).
- HCQ strut / Django Reinhardt (1940).
- Eagle rock rag / Leadbelly (c. 1940).
- Oklahoma stomp / Spade Cooley (1942).
- Stompin' at the Savoy / Cozy Cole All Stars (1944) .
- Texas stomp / Big Maceo (1945).
- Jacquet bounce / Illinois Jacquet (1946).
- Disc jockey jump / Gene Krupa & His Orchestra (1947) .
- Bostic jump / Earl Bostic (1947).
- Leave us leap / Gene Krupa & His Orchestra (1947) .
- 8:45 stomp / Earl Bostic (1947).
- Blues blasters shuffle / Robert Kelton & Jimmy McCracklin
(1948).
- Jeff-Hi stomp / Johnny Otis (1949).
- Stomp boogie / John Lee Hooker (1949)..
- Shuffle shuck / Oscar & Johnny Moore (1949)
- More bounce to the bounce / Lynn Hope (1950).
- Birmingham bounce / Amos Milburn (1950).
- Hamburger hop / Jimmy Hicks (1950).
- Birmingham bounce / Tennesse Ernie Ford (1950).
- Mambo bounce / Sonny Rollins (1951).
- Louisiana hop / Pete Lewis (1951).
- Sam's drag / Lafayette Thomas (1951)
- Big Jay shuffle / Big Jay McNeely (1952).
- Wriggles / Red Prysock (1952).
- Instrumental shuffle / Floyd Dixon (1953).
- The bounce / The Olympics (1963).
- I wan'na be like you / Louis Prima (1967).
- Stomp / Elvin Bishop (1972).
- C stomp blues / Bob Brozman (1992).
- Texas bounce / Bob Brozman (1992).
(2)
Danses animales
- Frog legs rag / James
Scott (composé en 1906).
- Kangaroo hop / George Gerschwin (1916)
- Tiger rag / Original Dixieland Jazz Band (1918).
- Alligator hop / King Oliver (1923).
- Snake rag / King Oliver (1923).
- Hyena stomp / Jelly Roll Morton (1927).
- Doin' the frog / Duke Ellington (1927).
- Billy goat stomp / Jelly Roll Morton (1927).
- Turtle twist / Jelly Roll Morton (1929).
- Tiger rag / The Mills Brothers (1931).
- Gator wobble / Memphis Jug Band (1934).
- Alligator crawl / Fats Waller (1934) .
- Leap frog blues / Buster Bennett (1945).
- Leap frog / Les Brown (1945).
- Leap frog / Charlie Parker (1950).
- Turkey hop / The Harptones (1950)
- Turkey hop / The Robins (1950's).
- The frog hop / Hal Singer (1952).
- Gator groove / Willis Jackson (1952).
- Frog hop / Earl Hooker (1957).
- The dog / Rufus Thomas (1963)
- The duck / Jackie Lee (1963).
- Walking the dog / Rufus Thomas (1963)
- Camel walk / Woody Herman (1963).
- Can your monkey do the dog / Rufus Thomas (1964).
- Chicken scratch / Rufus Thomas (1965).
- The snake / Al Wilson (1968).
- Do the funky chicken / Rufus Thomas (1970).
- Chicken strut / The Meters (1970).
- Do the funky penguin / Rufus Thomas (1972).
- Chicken scratch / The Nutmegs (1973).
- Funky bird / Rufus Thomas (1974).
- Turkey trot country bluff / Gordon Giltrap (1981).
- Bunny hug / Mel Powell (2000).
- Cold duck / Al Jarreau (2004).
- Do the camel walk / Guy Rush & Magi (2009)
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Le
Professeur Morel mène depuis de longues années
une lente et patiente recherche sur l'histoire universelle
du petit chien dans la peinture, la musique, la
littérature et toutes formes d'art, y compris les
plus modestes. Faites-lui part de vos trouvailles !
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